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trésorerie qu’il n’entrerait pas dans une combinaison à laquelle ce dernier continuerait à présider. Le duc de Devonshire lui fut alors envoyé par le roi pour l’autoriser à composer comme il l’entendrait un nouveau ministère, à la seule condition que Fox en ferait partie. Pitt refusa cette condition. Fox s’étant empressé, dès qu’il en fut informé, de lever par sa démission l’obstacle qui empêchait tout arrangement, les autres ministres suivirent son exemple, et le roi, après de nouvelles et vaines tentatives pour échapper à l’impérieuse volonté du dictateur des communes, dut la subir pleinement. Le duc de Devonshire fut nommé premier lord de la trésorerie, Legge reprit ses fonctions de chancelier de l’échiquier ; Pitt, sous le titre de secrétaire d’état, devint le véritable chef du conseil ; son beau-frère, lord Temple, succéda à Anson comme premier lord de l’amirauté ; ses autres beaux-frères, George et James Grenville, rentrèrent dans les emplois qu’ils avaient antérieurement occupés (octobre 1756). Il est à remarquer qu’au moment où ces arrangemens se négociaient, Pitt était retenu chez lui par une violente attaque de goutte. Lord Temple et lord Bute, chef de la coterie du palais de Leicester, étaient ses intermédiaires et ses fondés de pouvoirs.

À l’age de quarante-huit ans, Pitt se trouvait donc enfin arrivé au but de son ambition, à une position qui lui permettait de mettre en pratique les projets qu’il avait formés pour fonder sa propre gloire sur la grandeur de son pays. Maître absolu du cabinet dont il avait choisi tous les membres, il prenait la direction des affaires au milieu de circonstances dont la gravité, croissant de moment en moment, était faite pour mettre à l’épreuve son courage et ses talens. À la guerre maritime et coloniale engagée depuis l’année précédente allait se joindre une guerre continentale où l’Angleterre devait se trouver dans une position plus désavantageuse que dans aucune des précédentes. Par un étrange intervertissement des alliances habituelles et des rapports culturels, l’Autriche et la France se coalisaient pour dépouiller l’illustre roi de Prusse. Cette alliance, à laquelle devaient accéder successivement la plus grande partie de l’empire, la Russie et la Suède, laissait l’Angleterre sans alliés sur le continent, lui fermait les Pays-Bas, théâtre ordinaire de ses hostilités contre la France, et livrait le Hanovre à l’invasion française. Dans cette situation, le cabinet de Londres devenait forcément l’allié de la Prusse. Aussi le précédent ministère avait-il déjà conclu avec le cabinet de Berlin un traité de subside qui avait pour but d’interdire à toute force étrangère l’en-