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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

se trouvait alors, une guerre maritime était possible autant que nécessaire, mais que l’on n’était pas en état de soutenir une guerre continentale.

Cependant les hostilités avaient enfin éclaté ; et déjà les Français faisaient des préparatifs qui semblaient annoncer le projet de tenter un débarquement sur le territoire britannique. Le danger parut assez grave pour qu’on crût nécessaire d’appeler en Angleterre les troupes hanovriennes et les auxiliaires hessois. La chambre des communes vota, sur la proposition de Fox, une adresse au roi qui avait pour objet de sanctionner cette mesure extraordinaire, en la présentant comme prise pour la défense de la religion et de la liberté. Fox avait donné à entendre que ceux qui s’y montreraient contraires agiraient dans l’intérêt du prétendant. Cette insinuation ne pouvait arrêter un homme tel que Pitt : au milieu de la frayeur et du découragement dont presque tous les esprits étaient alors saisis, il osa soutenir seul que l’Angleterre était assez forte pour se défendre elle-même sur son propre sol.

Cette guerre, qui devait élever si haut la puissance de la Grande-Bretagne, s’ouvrait sous de tristes auspices. Les Français s’emparaient de l’île de Minorque, et l’amiral Byng, envoyé pour la secourir, était repoussé après un combat malheureux. Au Canada, la prise du fort d’Oswego et quelques autres échecs menaçaient la sûreté des colonies anglaises. Dans l’Inde aussi, on éprouvait de graves revers, et Calcutta tombait entre les mains d’un prince du pays. Ces désastres, dus à l’insuffisance des ressources militaires dont le gouvernement pouvait disposer, et aussi à la négligence, aux hésitations qu’il avait mises dans ses préparatifs en présence d’une guerre imminente, excitèrent dans les esprits une grande irritation. Pitt s’en rendit l’interprète au sein de la chambre des communes. Dans ses tonnantes invectives contre les ministres, auteurs, suivant lui, de toutes ces calamités, il s’attaqua surtout au premier lord de l’amirauté, à l’amiral Anson : il s’oublia jusqu’à dire que cet homme illustre n’était pas capable de commander une chaloupe sur la Tamise. — Le roi et son cabinet comprirent que, dans l’état des choses, le concours de l’orateur populaire pouvait seul procurer au gouvernement la force dont il avait besoin. Ils espérèrent d’abord le satisfaire en lui donnant, dans l’administration alors existante, la place qu’il avait si long-temps attendue. Le duc de Newcastle lui annonça que le roi avait l’intention de le prendre à son service ; mais Pitt répondit franchement au premier lord de la