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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

nières années l’époque soumise à l’enquête, et qui, par conséquent, désintéressait plusieurs personnages devenus les adversaires de Walpole après avoir été quelque temps ses collègues, elle fut adoptée. Un comité fut nommé pour y donner suite. Il est vrai que des obstacles adroitement suscités par le gouvernement arrêtèrent la procédure à peine commencée, et qu’on fut obligé de l’abandonner. Quelque soin qu’eussent pris les ministres nouveaux de dissimuler leur intervention, ce manége ne trompa personne. Lord Carteret, à qui on l’imputait particulièrement, fut accusé d’apostasie et de trahison. Il perdit tout ce qui lui restait de popularité. Le but de l’opposition était donc atteint.

Ce qui désignait surtout lord Carteret à la haine des cobhamites, c’est qu’il commençait à prendre dans le ministère la position principale que Pulteney avait essayé de lui ménager. La direction des affaires étrangères, dont il était chargé comme secrétaire d’état, lui avait donné un moyen facile de gagner les bonnes graces du roi. George II, semblable en cela à son père, s’était toujours montré enclin à subordonner la politique extérieure de la Grande-Bretagne aux intérêts de son électorat de Hanovre, dans lequel il voyait le patrimoine de sa famille, sa propriété, son asile assuré, tandis qu’étranger aux usages, aux principes et presque à la langue de l’Angleterre, il était loin de se considérer comme inébranlablement affermi sur un sol bouleversé naguère par tant de révolutions, et de vouloir y concentrer toutes ses chances d’avenir. Cette tendance le conduisait à s’immiscer et à engager avec lui son royaume dans certaines questions continentales dont l’intérêt, pour les Anglais, était au moins fort douteux mais jusqu’alors son penchant naturel, contrarié par les dispositions toutes différentes du parlement et par ses ministres eux-mêmes, n’avait pu se satisfaire que d’une manière très imparfaite. Un grand évènement qui menaçait de changer la face de l’Europe vint lui fournir de puissans argumens pour entraîner enfin l’Angleterre dans son système favori.

L’empereur Charles VI était mort quelque temps auparavant. La ligne masculine de la maison d’Autriche s’était éteinte en lui. La France avait formé, avec l’Espagne, la Prusse, la Saxe, la Bavière, la Sardaigne, une puissante coalition dans le but de dépouiller sa fille Marie-Thérèse de la plus grande partie de son héritage. Cette princesse, réduite aux seules ressources qu’elle trouvait dans son courage et dans le dévouement du peuple hongrois, paraissait hors d’état de tenir tête à une aussi formidable ligue. Déjà la Silésie, la Lusace, la Bohême, l’Autriche antérieure étaient conquises. Il n’en fallait pas