Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/734

Cette page a été validée par deux contributeurs.
730
REVUE DES DEUX MONDES.

guerre, si populaire à son début, ne le resta pas long-temps. Ouverte par un succès brillant, la prise de Porto-Bello, elle fut ensuite moins heureuse. Des tentatives manquées et, bien plus encore, les pertes éprouvées par le commerce qui avait tant appelé les hostilités, changèrent en un mécontentement presque universel l’ardeur belliqueuse dont tous les esprits s’étaient d’abord montrés saisis. Ainsi qu’il était facile de le prévoir, c’est sur Walpole que retomba cette irritation et il se vit en butte dans le parlement à d’incessantes attaques.

Pitt parut encore au premier rang parmi ses adversaires. Un bill avait été proposé pour faciliter au gouvernement le recrutement de la flotte. Fidèle à ce principe de toutes les oppositions systématiques, de refuser aux gouvernans les moyens d’exécuter les grandes choses dont on leur impose l’obligation, il ne manqua pas de combattre ce bill par les invectives les plus passionnées contre les rigueurs de la presse maritime ; il signala à l’indignation publique une administration oppressive, trop ignorante pour être vraiment redoutable, mais qui semblait trouver son unique satisfaction à tourmenter, à ruiner les citoyens, à les dépouiller de leur liberté. Le frère du ministre, Horace Walpole, crut pourvoir répondre à ces emportemens par l’expression du dédain qu’inspirait à un diplomate vieilli dans les affaires une aussi étrange forme de polémique ; il tourna en ridicule ces assertions tranchantes, ces furieuses injures, ces retentissantes périodes déclamées avec des gestes véhémens et une affectation théâtrale qui trahissaient, suivant lui, l’inexpérience de la jeunesse. Pitt fut vivement blessé de cette appréciation sévère et méprisante. Sa réplique fut accablante, et on la cite encore comme un des exemples les plus frappans de la virulence qui, à cette époque, rapprochait parfois la tribune britannique de celle des peuples de l’antiquité. « Je ne m’arrêterai pas, s’écria-t-il, à rechercher si la jeunesse peut être, contre qui que ce soit, un sujet de reproche ; mais ce que je ne crains pas d’affirmer, c’est que la vieillesse peut devenir justement un objet de mépris, lorsque l’expérience qu’elle procure n’a pas été mise à profit dans un but de perfectionnement, lorsque le vice continue à la dominer après que les passions se sont éteintes. Le malheureux qui, vainement averti par le funeste résultat de tant d’erreurs accumulées, persiste dans son égarement, et en qui l’âge ne fait qu’aggraver la stupidité par l’obstination, ce malheureux n’a droit, sans doute, qu’à l’horreur ou au mépris, et ses cheveux blancs ne doivent pas le mettre à l’abri de l’insulte. » Le reste du discours répondait à cet incroyable début. Quinze ans après, Pitt était l’ami politique de celui qu’il avait