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le sentiment de ce danger qui avait engagé Walpole à intervertir le système des alliances naturelles de l’Angleterre pour rechercher de préférence celle du gouvernement français, que sa puissance et la situation de son territoire mettaient plus qu’aucun autre en mesure, soit de prêter un appui efficace aux tentatives du prétendant, soit de les déjouer et de les paralyser. Tout récemment encore, le cabinet de Londres avait fait à cette alliance un bien grand sacrifice : se retirant dans une neutralité absolue au milieu de l’Europe en armes, il avait abandonné l’Autriche, la vieille alliée de l’Angleterre, aux attaques de la France et de l’Espagne réunies. Cette lutte inégale avait valu aux deux branches de la maison de Bourbon la Lorraine et les Deux-Siciles, et ce qui prouve que la politique pacifique de Walpole s’accordait, au moins dans une certaine mesure, avec les besoins et les dispositions véritables de la nation, c’est que l’impassibilité avec laquelle il avait assisté aux conquêtes de la France n’avait pas excité dans le parlement des réclamations assez vives pour lui causer des embarras bien sérieux.

Cette patience inaccoutumée touchait pourtant à son terme. Le système de paix, après avoir triomphé des graves difficultés qui l’avaient long-temps menacé, allait échouer contre une question dans laquelle le droit était équivoque, l’intérêt secondaire, mais qui blessait vivement les susceptibilités nationales, rendues plus irritables d’ailleurs par les sacrifices auxquels elles s’étaient résignées. On était depuis long-temps en querelle avec le gouvernement espagnol au sujet de la contrebande faite par les commerçans anglais sur les côtes des colonies américaines, et des mesures répressives auxquelles l’Espagne avait recours pour y mettre fin. Ces mesures avaient pris progressivement un caractère de rigueur qui n’épargnait pas même toujours le commerce licite. Les commerçans anglais se plaignaient de saisies illégales, de traitemens barbares infligés aux équipages des navires capturés. Non contens de réclamer des indemnités, ils demandaient que l’Espagne renonçât au droit de visite qui donnait lieu à de tels abus. L’Espagne, sans se refuser absolument à indemniser les individus injustement maltraités, ne voulait pas consentir à abandonner un droit de recherche parfaitement légal, suivant elle, et qui, d’ailleurs, était la seule garantie efficace contre des fraudes ruineuses pour son trésor. La question, on le voit, n’était pas simple : elle offrait de délicates complications, et d’un côté comme de l’autre il y avait des griefs réels à faire valoir ; mais, en Angleterre, l’opinion s’était passionnée pour les réclamations du commerce, et on s’indignait de