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la question, ils comparaient, ils pesaient les analogies comme les dissemblances. Les uns faisaient entendre assez clairement que, dans leurs convictions comme dans leurs désirs, cette question était affirmativement résolue. Les autres dissimulaient leur pensée ou essayaient même, peut-être avec sincérité, de signaler entre les deux situations des différences assez fondamentales pour rendre tous ces rapprochemens insignifians et sans portée. On ne saurait nier que cette thèse conjecturale, débattue alors dans une multitude d’écrits dont la pensée était certainement plus polémique qu’historique, n’ait puissamment contribué à préparer l’opinion au grand évènement de 1830. Bien des hommes qui, mécontens du régime de la restauration, eussent pourtant reculé devant la pensée de renouveler, pour la renverser, les catastrophes terribles de 1792, accueillirent avec complaisance l’idée que sa chute pourrait être le résultat d’une révolution pareille à celle de 1688, d’où sortirait, sans bouleversement, sans effusion de sang, un nouvel ordre de choses fondé sur la légalité et sur la liberté. La plus forte barrière qui, dans les temps de partis et de désaffection, s’élève encore contre les révolutions, et qui suffit souvent pour les empêcher, alors que tout semble les appeler, la terreur vague et profonde que les ames timides ou consciencieuses éprouvent des conséquences ignorées qui en pensent sortir, s’affaiblit ainsi et disparut presque complètement devant la perspective encourageante créée par les réminiscences de 1688. Lorsqu’on se fut habitué à considérer un tel dénouement comme la solution éventuelle de la lutte engagée entre le libéralisme et les principes de l’ancienne monarchie, l’évènement ne fut plus seulement possible, il devint probable.

Il est juste d’ajouter que l’influence du grand exemple que l’Angleterre nous avait donné ne borna pas là ses effets. Après avoir été une des causes morales de la chute de la branche aînée des Bourbons, elle a agi bien plus efficacement encore pour empêcher que leur défaite ne fût le signal du triomphe complet de l’anarchie. Il s’est trouvé là une école politique qui avait puisé, dans l’étude des faits accomplis chez nos voisins, à une époque analogue, la confiance nécessaire pour ne pas se laisser décourager par les vives attaques des niveleurs et des républicains, pour oser les combattre avec l’espérance du succès. Lors même qu’on devrait reconnaître que cette école, comme on le lui a souvent reproché, s’exagérait les analogies sur lesquelles elle fondait son système, il n’en serait pas moins vrai qu’en propageant la conviction de ces analogies, elle leur donnait une sorte de réalité que parut bientôt constater l’heureuse répression des tentatives anar-