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ambitieuses tentatives que rien ne justifie, et la corde qu’on a ajoutée imprudemment à sa lyre a détérioré l’instrument. En laissant le flot dans son lit naturel, il eût été pur et limpide ; on le détourne, il roule de la vase. Les moins clairvoyans, ceux qui sont le moins habitués aux idées philosophiques, peuvent s’apercevoir que M. de Laprade, dans la philosophie, ne cherche le plus souvent que le mot, et, s’il affectionne tant le symbole, c’est qu’il est plutôt pour lui un tableau qu’une idée. L’essai est accompli. Il n’a pas été heureux ; que M. de Laprade y renonce.

Quoi qu’on fasse d’ailleurs, la poésie symbolique n’a pas d’avenir en France, et le socialisme, en l’accaparant, lui a porté un rude coup. Sans doute, il leur reste plus d’une campagne à faire ; en France, on ne meurt qu’à la dernière extrémité. Mais l’insuccès redoublera leur extravagance, et nous verrons renaître toutes les folies philosophiques qui ont amusé ou affligé l’esprit humain. À la vue de ces égaremens, le public sensé reviendra de plus en plus à ce qui est réellement juste, réellement beau, et l’on sera plus que jamais convaincu, si on avait pu en douter un moment, que la vraie poésie est l’enthousiasme de la raison.


Paulin Limayrac.