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L’ISTHME DE PANAMA.

fique. L’un de ses affluens, le Naipipi, qui est navigable pour des canots, se rapproche beaucoup du port de Cupica, situé sur le Pacifique, entre le cap Corrientes et le cap San Miguel. Il n’y a que cinq à six lieues (24 à 28 kilomètres) de Cupica à l’embarcadère du Naipipi, et on avait assuré à M. de Humboldt que cet intervalle était occupé par un espace tout-à-fait aplani. À la fin du siècle dernier, des projets avaient été présentés au gouvernement espagnol, afin de diriger par là le commerce entre les deux océans. Cupica devait devenir, disait-on, une nouvelle Suez ; mais un officier anglais, le capitaine Cochrane, qui descendit l’Atrato en 1824, donne des renseignemens en contradiction avec ceux auxquels M. de Humboldt avait ajouté foi. Il en résulterait que l’établissement d’un canal entre l’Atrato et Cupica par la vallée du Naipipi est impossible[1].

Mais, plus haut, près de Novità, l’Atrato est aisé à mettre en rapport avec le San-Juan, qui se jette dans l’Océan Pacifique et qui est navigable. M. Cochrane, qui a visité les lieux avec soin (particularly inspected), dit-il, estime à 360 mètres environ la distance qui sépare le San-Juan, ou plutôt la Tamina, son tributaire, de la Raspadura, affluent de l’Atrato. Les deux cours d’eau, ainsi voisins, portent canot l’un et l’autre. Pour les faire communiquer, il faudrait une tranchée presque entièrement dans le roc, d’environ 20 mètres de profondeur[2]. Les deux océans seraient ainsi joints l’un à l’autre. Par le Naipipi, l’Atrato et un canal entre le Naipipi et Cupica, en le supposant praticable, la distance d’un océan à l’autre serait d’environ

  1. Voici le passage du capitaine Cochrane : « Le Naipipi est en partie navigable, mais c’est une navigation très dangereuse. Le commerce ne saurait y recourir. Quant à construire un canal ou un chemin de fer, c’est impossible, du moins c’est ce qui résulte des renseignemens que me donna, à Citerà, un officier colombien, le major Alvarès, qui venait par là de Panama. Il me dit qu’il avait trouvé le Naipipi sans profondeur, d’un courant rapide, et hérissé de rochers ; que, du Naipipi à Cupica, on avait à franchir trois rangées de collines (three sets of hills), et qu’il ne voyait pas comment on pourrait opérer une jonction du Naipipi au Grand-Océan. De toutes les observations qu’il m’a été possible de recueillir à ce sujet, je tire la conséquence que le baron de Humboldt (qui n’a pas été sur les lieux) aura été mal informé à l’égard de cette communication avec l’Océan. » (Journal of a residence and travels in Columbia, during the years 1823 and 1824, par le capitaine Ch. Stuart Cochrane, vol. II, p. 449.)
  2. On avait même dit à M. de Humboldt, qui n’avait pas été sur les lieux, que cette jonction avait été opérée par les soins d’un moine industrieux, curé de Novita, et que par ce canal des canots chargés de cacao étaient venus d’une mer à l’autre. Probablement ce récit se fonde sur quelques travaux d’amélioration qui auront été opérés dans le lit de la Baspadura.