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SITUATION DES PARTIS.

pres idées, qui ne suit que ses propres chefs. Selon beaucoup de ses membres, l’initiative est et doit être plus haut. Tout ce qui appartient à la chambre élective, c’est le droit de contrôle et de consultation.

Ce n’est pas le moment de discuter la valeur et la portée de ces théories. Il suffit de reconnaître qu’elles existent et qu’au centre surtout siégent leurs partisans. Or, quand il s’agit de modifier une politique, tout le monde comprend qu’on est exposé à rencontrer des obstacles ailleurs que dans la chambre. Comment vaincre ces obstacles, si une partie de la majorité sur laquelle on s’appuie les regarde comme sacrés ? Il n’existe alors qu’un moyen, quelquefois employé : c’est d’emprunter les forces de l’opposition et de s’en servir momentanément contre son propre parti ; mais un tel moyen n’est ni sûr, ni digne, ni durable. Il n’est pas applicable, d’ailleurs, quand c’est le système même qui est en cause, et non quelques mesures particulières. Il faut donc choisir entre deux nécessités : ou bien laisser les choses aller comme elles sont, ou bien, pour leur imprimer une autre marche, accepter le concours du centre gauche et de la gauche modérée. Tant qu’on n’en voudra pas venir là, on ne fera rien de sérieux.

Il n’est donc pas vrai, comme M. Duchâtel a voulu l’insinuer, qu’il s’agisse simplement de faire passer le pouvoir d’une main dans l’autre, ou, pour parler le langage des journaux, de jouer mieux du même instrument. Il s’agit d’asseoir le gouvernement sur une base plus large et plus ferme, et de rendre ainsi à la politique extérieure quelque dignité, à la politique intérieure quelque moralité ; il s’agit de réformer des abus qui, si on les laisse croître et s’invétérer, seront bientôt plus forts que la législation, plus forts que le gouvernement tout entier ; il s’agit enfin de rétablir le système parlementaire dans toute son énergie, dans toute sa sincérité. Ce n’est pas là un but médiocre et qui vaille peu la peine d’être poursuivi. Mais la question de conduite même, cette question dont M. Duchâtel parle si dédaigneusement, croit-on qu’elle n’ait pas son importance et sa valeur ? Tout le monde pensait, il y a deux ans, que le recensement était bon et juste en principe. N’est-ce rien que de l’avoir mené de telle sorte qu’après avoir mis le pays en feu, il n’a produit aucun résultat, et que le gouvernement lui-même vient aujourd’hui reconnaître la nécessité de le recommencer, si l’on veut en tirer quelque parti ? Il y a aussi un fait bien plus récent, bien plus décisif. Toutes les opinions constitutionnelles reconnaissent que les conseils municipaux doivent, autant que possible, rester étrangers à la politique. C’est d’ailleurs ce que répète