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SITUATION DES PARTIS.

nistère, quel qu’il soit, doit ou ne doit pas travailler à faire pencher l’équilibre de son côté : il s’agit de savoir si, pour y parvenir, il s’adressera à la partie élevée ou à la partie basse de la nature humaine, s’il transigera avec les opinions ou avec les intérêts ; il s’agit de savoir lequel de ces deux systèmes est le plus honnête et le plus efficace, le plus moral et le plus utile. « Les paroles de la conversation, dit M. Duchâtel, sont souvent très différentes de celles de la tribune ; mais la conversation joue un rôle dans les affaires de ce monde. » Cela est vrai, et, de plus, cela s’applique à l’une comme à l’autre des politiques qui se trouvent en présence. Or, si dans l’une de ces politiques la conversation s’efforce quelquefois de détruire des préjugés et d’apaiser des préventions réciproques, pense-t-on que dans l’autre son rôle soit aussi simple et aussi innocent ? N’est-il jamais arrivé, par exemple, que, dans la conversation, l’on donnât fort clairement à entendre qu’il n’est point de fonds au budget pour les arrondissemens dont le député vote avec l’opposition ? N’est-il pas arrivé que, toujours dans la conversation, on se servît d’argumens plus personnels encore et plus pressans ? Si M. Duchâtel y tient, il est aisé de porter à la tribune la partie confidentielle, ou, pour parler son langage, le secret des deux politiques. On verra laquelle s’en trouvera le mieux.

Laissons, au reste, cette polémique et prenons les choses de plus haut. S’il y a aujourd’hui dans le pays, dans la chambre, une majorité homogène et indépendante, une majorité qui, en dehors de toutes considérations personnelles et locales, ait des opinions semblables, des vues identiques, un système propre ; s’il y a une majorité qui, personnifiée dans un ministère de son choix, soit déterminée à appuyer ce ministère contre toutes les résistances, celles du dedans et celles du dehors, celles d’en haut et celles d’en bas, sans doute alors, selon les règles les plus élémentaires du système représentatif, le gouvernement appartient sans mélange et sans transaction à cette majorité. Mais tel n’est pas l’état de la chambre, tel n’est pas surtout l’état du pays, ainsi que les dernières élections l’ont clairement constaté. Qu’y a-t-il à faire dès-lors, si ce n’est de rechercher si, parmi des opinions aujourd’hui différentes et distantes, il n’y a pas des points nombreux de ressemblance et de rapprochement ? Qu’y a-t-il à faire, si ce n’est de travailler à élargir ainsi la base sur laquelle repose le gouvernement au moyen de quelques concessions réciproques et d’une transaction raisonnable ? Ce ne serait pas la première fois que, dans les gouvernemens représentatifs, la même nécessité aurait produit le même résultat. En 1827, c’est une majorité de transaction qui porta