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SITUATION DES PARTIS.

écartées, ne reste-t-il pas quelque chose de très significatif ? À Paris, on annonce une entente cordiale, non pour rester oisif, mais pour agir en commun ; et cette entente, on affirme qu’elle est déjà réalisée en Occident comme en Orient, à Madrid comme à Constantinople et Athènes. À Londres, on parle seulement d’une bonne intelligence au moyen de laquelle on peut espérer que la paix ne sera pas troublée. Rien d’ailleurs d’Espagne ou de Grèce ; rien d’une action commune en quelque lieu que ce soit. Ainsi, d’un côté une grande manifestation politique, de l’autre une politesse banale ; d’un côté la main tendue avec effusion, de l’autre un coup de chapeau bien formel et bien sec.

Qu’après cela sir Robert Peel, dans son discours, cherche, par quelques paroles bienveillantes, à faire oublier la froideur du document officiel ; que les orateurs ministériels et de l’opposition s’entendent pour prendre acte des paroles de M. Guizot et pour complimenter la France d’avoir repris sa vieille politique nationale et abjuré ainsi les erreurs de 1840 ; que lord Brougham, dans un des accès auxquels il est devenu si sujet, fasse de M. Guizot le plus grand ministre des temps modernes, et de ceux qui le combattent un vil ramas de factieux et d’intrigans : tous ces éloges, si chèrement achetés, peuvent être agréables à M. Guizot ; mais qu’importent-ils à la France ? Ce ne sont point, on le sait, quelques paroles de tribune qui engagent les uns envers les autres les gouvernemens et les peuples : ce sont les actes officiels qui émanent des grands pouvoirs. Or, que l’on compare ces actes, et que l’on dise s’ils ont le même sens et la même valeur. Il semble pourtant qu’après l’avance faite par la France au commencement de 1840, et qui ne reçut d’autre réponse que le traité du 15 juillet ; il semble qu’après tout ce qui s’est passé depuis, ce n’était pas à la France de se montrer la plus cordiale et la plus empressée.

Je suis, au reste, fort loin de blâmer le ministère anglais. C’est un ministère sérieux, qui connaît la portée des mots et qui ne veut pas prendre légèrement de ridicules engagemens. Ce n’est donc pas ce ministère qui, en présence de deux pays indépendans et libres, viendrait faire parade de son influence et discuter publiquement le mariage ou la constitution qui leur convient. Ce n’est pas ce ministère qui, d’un accord apparent, momentané, à Madrid ou à Athènes, ferait un accord sérieux, durable, dont il se porterait garant. La reine d’Angleterre a des relations amicales avec le roi des Français ; la bonne intelligence qui existe entre les deux gouvernemens promet la durée