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L’ISTHME DE PANAMA.

eux-mêmes peuvent mouiller, et qui n’est séparée de la rivière Chagres que par une plage sablonneuse tout unie, dans laquelle il serait aisé de creuser un canal. Il faudrait cependant une jetée dans la baie pour défendre les navires des vents du nord. Ce serait alors un des ports les plus sûrs et les plus spacieux.

Une fois dans le Chagres, les navires ont, sous le fort San-Lorenzo, un mouillage de 5 mètres et demi à 7 mètres 32 centimètres ; puis, dans le chenal, au moins jusqu’au Trinidad, ils trouvent une profondeur à peu près égale[1]. Du côté de la pleine mer, l’eau va en s’approfondissant fort vite à partir de la barre. À 1,800 mètres de là, il y a 17 mètres d’eau.

On serait donc servi à souhait du côté de l’Atlantique. Sur le versant du Pacifique, le port qui s’indique naturellement est celui de Panama, qu’on pourrait, avec plus de raison, qualifier de rade ou même de golfe, car c’est un espace ouvert parsemé de jolies îles. Nulle part les bâtimens n’y peuvent atterrir. La plage plonge doucement sous l’eau, et ce n’est guère qu’à 2,000 mètres de terre que l’on trouve, à marée basse, 6 mètres d’eau. Les navires, pour être très bien abrités, vont se ranger sous un groupe de trois îles qui sont à 3,500 mètres au sud de la ville, en face de l’embouchure du Rio Grande, et que l’on nomme Llenao, Perico et Flamingo. De là les cargaisons s’envoient en ville sur des pirogues[2].

Le Rio Grande, par lequel le canal déboucherait dans l’Océan Pacifique, présente à sa barre fort peu d’eau. À marée basse, c’est d’un mètre à deux, et de même ce n’est qu’à une certaine distance en mer qu’on trouve sur cette plage un mouillage dont puisse s’accommoder une corvette de guerre ou un paquebot transatlantique sur le modèle actuellement en construction ; mais, tout le long de cette côte, existe sous la vase, à peu de profondeur, un calcaire madréporique, corail grossier qui se prêterait facilement à un creusement sous-marin. Le groupe des trois îles contre lesquelles se tiennent de préférence les navires étant vis-à-vis de l’embouchure du Rio Grande, on pourrait, moyennant des travaux hydrauliques qui pourtant seraient considérables, établir entre ces îles et l’emplace-

  1. Rapport du commandant Garnier, du brick le Laurier, au contre-amiral Arnoux, page 36 d’une publication faite en 1843 par MM. Salomon, à Londres.
  2. L’expédition de la Danaïde, commandée par M. Joseph de Rosamel, a dressé de la côte de Panama une excellente carte, dont la gravure s’achève en ce moment au dépôt de la marine, et à laquelle nous empruntons les renseignemens cités ici. Cette carte est due particulièrement a M. Fisquet, enseigne de vaisseau.