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SITUATION DES PARTIS.

sienne. Un ministère qui se croit monarchique mettait directement la couronne en face de la chambre. N’était-ce pas essayer de couvrir une faiblesse par une autre, et manquer à tous les devoirs à la fois ?

On doit comprendre maintenant la scène si étrange qui eut lieu dans les bureaux lors de la discussion de l’adresse. Beaucoup de personnes ont cru que les ministres s’étaient concertés d’avance avec les députés qui attaquèrent la dotation. C’est une erreur ; mais si la scène n’était pas expressément arrangée, il faut du moins y voir la conséquence des conversations et de l’attitude ministérielles. À force d’entendre les ministres se plaindre du fardeau qui leur était imposé et faire des vœux pour qu’une circonstance heureuse les en débarrassât, à force de les entendre répéter que la résistance devait venir de la chambre même, et qu’après tout l’opinion du parti conservateur serait prise en grande considération, n’était-il pas naturel, inévitable, que les membres de ce parti opposés à la dotation cherchassent le moyen de donner au cabinet une force qu’il ne trouvait pas en lui-même ? Si je suis bien informé, avant de préparer la scène des bureaux, on songea à plusieurs moyens, notamment à une lettre ou à une démarche collective. Les bureaux cependant se réunirent pour nommer les commissaires de l’adresse, et l’explosion eut lieu. On sait que la commission acheva l’œuvre en exprimant un vœu unanime pour que le projet dont il s’agit fût définitivement abandonné. On sait aussi quelles singulières réponses le ministère opposa aux interpellations si vives et si pressantes de M. Thiers, de M. Billault, de M. Gustave de Beaumont. « En soi, nous croyons la dotation excellente, et la loi de régence ne saurait, selon nous, recevoir une meilleure consécration. De plus, il nous semble qu’au moment où viennent d’avoir lieu les manifestations de Belgrave-Square, cette mesure a une opportunité toute particulière. D’après cela, nous ne savons pas si nous la présenterons, et, dans tous les cas, ce serait dans un autre temps. » Tel est le résumé fidèle de ce que dirent sur cette question M. Duchâtel et M. Dumon. Imagine-t-on des paroles plus étranges, plus imprudentes, qui caractérisent mieux la situation du cabinet ?

Maintenant, en présence d’une telle conduite, d’un tel langage, est-il surprenant qu’un souvenir importun ait reparu, et que tout le monde se soit rappelé le temps où M. Guizot, soutenu par la plupart des ministres actuels, reprochait si amèrement au ministère du 15 avril de ne pas couvrir la royauté ? C’est donc par le fait du ministère que la question du gouvernement parlementaire, cette question si vivement débattue en 1839, a repris tant d’à-propos. C’est par le fait du minis-