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SOUVENIRS D’UN NATURALISTE.

portance de ce perfectionnement, quand on saura que la lumière réfléchie par les glaces étamées était égale à celle que produisent 133 becs de gaz, et que celle que renvoie la coupole de M. François est représentée par 214 becs, ce qui donne une augmentation de 81 becs de gaz pour l’effet utile.

Les premières recherches de MM. Arago et Fresnel datent de 1819 ; quatre ans après la lampe à mèches concentriques était inventée, les lentilles à échelons éprouvées, et l’on faisait l’essai du nouveau mode d’éclairage sur la tour de Cordouan, élevée à l’embouchure de la Gironde, sur ce même phare qui un siècle environ auparavant avait porté le premier feu à éclipses et à miroirs paraboliques. Le résultat répondit à toutes les espérances, et en 1825, à la suite d’un rapport remarquable du contre-amiral de Rossel, un plan général fut adopté pour l’éclairage des côtes de France. Vingt-sept phares de premier ordre ont été distribués sur cet espace d’environ quatre cents lieues. Ce sont ces phares qui, comme autant de sentinelles avancées, apprennent aux marins arrivant de la haute mer le nom de la côte voisine. Pour cela, ils ont été disposés de telle sorte, que toujours un feu fixe se trouve entre deux feux tournans, bien distincts l’un de l’autre. Cinq phares de second ordre, dix-sept du troisième et trente-cinq feux de port croisent leurs lumières dans les intervalles laissés entre les phares du premier rang, révèlent les dangers toujours plus multipliés à mesure qu’on approche de la terre, et indiquent les passes abordables. Partout les miroirs à réflexion font place aux appareils lenticulaires. Les autres peuples suivent l’exemple donné par la France : ils avaient copié jadis les appareils tournans de Lemoine, les réflecteurs de Borda ; ils nous empruntent aujourd’hui les lentilles de Fresnel, la lampe de Fresnel et d’Arago, et c’est de Paris même que partent presque tous les appareils destinés à éclairer leurs rivages. Ainsi nous pouvons dire avec un juste orgueil que c’est de notre patrie que sont venus tous les progrès essentiels faits dans la question la plus importante peut-être pour la sécurité de la navigation, et par suite pour les intérêts du commerce et de l’humanité.

Après avoir examiné et admiré dans ses moindres détails le magnifique phare des Héhaux, je regagnai Bréhat et repris mes occupations journalières. Cependant la mauvaise saison arrivait à grands pas ; je revenais souvent de mes courses trempé de pluie et transi de froid ; il fallut songer au départ. Mon brave lieutenant de douanes mit encore une fois sa péniche à mon service, et je quittai Bréhat riche en des-