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mille formes diverses, et le naturaliste qui lutte avec ce véritable Protée se trouve à chaque instant en défaut. Qu’il ne perde pourtant pas courage, qu’il poursuive le dieu sous toutes ses métamorphoses ; il le forcera tôt ou tard à livrer ses secrets, et lorsque, fort de ses révélations, il rentrera dans l’étude des animaux plus élevés, il verra bien des ténèbres se dissiper, il franchira bien des barrières jusque-là regardées comme insurmontables.

Prenons pour exemple de ce qui précède un des groupes de premier ordre appelé par Cuvier embranchemens, prenons l’embranchement des articulés. Le caractère essentiel de ce groupe consiste dans une tendance de l’organisme à se partager en anneaux disposés en chapelet à la suite les uns des autres, et à répéter dans chaque anneau exactement les mêmes formes, les mêmes organes. De plus, dans l’articulé, tous les organes sont pairs, de telle sorte que, si nous partageons en deux cet animal dans le sens longitudinal, les deux moitiés latérales du corps sont exactement symétriques. Voyons maintenant dans quelles limites ces conditions du type virtuel sont remplies ou modifiées.

Un premier coup d’œil nous fait reconnaître dans l’embranchement des articulés deux grandes divisions. Dans la première, celle des articulés à membres articulés, les anneaux, au lieu de former exactement le chapelet, se réunissent, se soudent les uns aux autres en constituant des groupes d’organes. Le corps de l’animal se trouve ainsi partagé en trois parties qui représentent les trois grandes régions du corps des mammifères, c’est-à-dire la tête, la poitrine, le ventre, et qui ont reçu les noms correspondans de tête, de thorax et d’abdomen. Les trois portions du corps, toujours bien distinctes dans les insectes, peuvent se fondre en quelque sorte l’une dans l’autre. Ainsi, dans les myriapodes ou mille-pieds, on ne distingue plus le thorax de l’abdomen : chez les arachnides, qui comprennent toutes les araignées et les scorpions, c’est au contraire la tête qui se soude avec le thorax. Ces trois classes respirent l’air en nature, tandis que les crustacés, homards, écrevisses, etc., sont essentiellement aquatiques. Nous ne tenons compte ici que d’un bien petit nombre de caractères. Que serait-ce si, pénétrant dans l’intérieur, nous embrassions l’ensemble de ces organismes ! Nous verrions l’air, ce fluide sans qui rien de vivant ne peut exister, tantôt se répandre dans le corps tout entier par un admirable réseau de trachées, canaux dont la structure ressemble exactement à celles de nos élastiques de bretelles, tantôt n’agir sur la masse du sang qu’il doit vivifier par l’intermédiaire d’un seul organe