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le nouveau type ne sera pour nous qu’un dérivé du premier, et, quelque grandes que soient les dissemblances apparentes qui le distinguent, il sera toujours possible de remonter à la source d’où il émane. Ainsi, pour citer quelques exemples, les mammifères, les oiseaux, les poissons, se rattachent, il est vrai, à un même type primitif, celui des animaux vertébrés ; cependant ils forment trois types nettement tranchés. Au contraire, les chauve-souris qui se meuvent dans l’air, les baleines qui fendent les flots, ne sont pour cela ni des oiseaux ni des poissons : ce sont seulement des mammifères modifiés pour voler ou pour nager ; ce sont de simples dérivés du grand type des mammifères. On comprend d’ailleurs que le nombre de ces dérivés n’a rien de fixe et que chaque type primitif peut en engendrer plusieurs, dont la divergence sera d’autant plus prononcée, que les modifications qui leur donnent naissance seront plus profondes et d’une nature plus diverse.

Dès-lors l’ensemble des êtres que nous étudions nous apparaît comme décomposé en un certain nombre assez restreint de types primitifs, autour desquels se disposent dans un ordre et à des distances variées leurs dérivés immédiats. Ceux-ci, à leur tour, s’environnent de dérivés secondaires, et ainsi de suite. Les espèces existantes viennent toutes se ranger dans ce règne animal théorique, en se distribuant chacune selon son degré de ressemblance avec son type virtuel. C’est ainsi que les soleils, groupés de mille manières, gravitent les uns sur les autres, et voient circuler autour d’eux leurs planètes, tantôt isolées, tantôt escortées de satellites. Sur la terre comme dans le ciel, nous trouvons la nature fidèle à ces admirables lois d’analogie qu’elle observe dans toutes ses grandes manifestations, et nous voyons à la surface de notre globe un ensemble aussi magnifique que celui dont l’aspect frappe d’admiration notre esprit et nos sens dans l’immensité de l’espace.

Le type virtuel absolu de l’animalité n’a jamais eu de réalisation. L’animal parfait, s’il pouvait être de ce monde, devrait réunir les qualités les plus rares disséminées chez un grand nombre d’espèces différentes. Il devrait se mouvoir sur la terre avec la sûreté et la vélocité du ziggetai, cette espèce sauvage du genre cheval, que les Mongols donnent pour monture au dieu du feu ; il devrait fendre les airs avec la rapidité du martinet, et pouvoir soutenir son vol comme les oiseaux de haute mer, comme ces frégates qu’on rencontre à deux cents lieues de toute terre, et qui parcourent ainsi plus de quatre cents lieues sans arrêter un seul instant le jeu de leurs ailes, dont la longueur les em-