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chevaux, habillés de vert, coiffés du turban écarlate, armés de la longue lance et du sabre recourbé. « C’est l’adresse et non la force, dit l’auteur, qu’ils emploient dans le maniement de cette dernière arme ; je les ai vus, sans aucun effort apparent, couper un mouton en deux d’un seul coup. » Rien n’annonce, au milieu de ce sol aride planté de palmiers târs (dont on extrait la liqueur enivrante connue sous le nom de toddy), le voisinage de la capitale de l’empire de Golconde, si ce n’est le nom de shah-rasta (route royale) donné par emphase à un sentier à peine praticable.

Mais tout à coup se détachent sur le ciel des tropiques les coupoles, les dômes, les quatre aiguilles de la grande mosquée (le tcharminar, les quatre minarets) ; à gauche, on arrive par une avenue macadamisée près de Secunderabad ; le long d’un beau lac artificiel s’étendent les jolies maisons des officiers anglais de l’armée auxiliaire ; plus à droite encore, en suivant une route qui traverse un pays délicieux de végétation et coupé de montagnes toutes couronnées de quelque ruine célèbre dans l’histoire ou dans les légendes pieuses, on se trouve à Bolarum, autre groupe de villas ombragées ; c’est là le cantonnement des troupes propres du nizam. « On remarquera que par cette disposition, le haut et puissant seigneur soubadar (vice-roi) du Dekhan, souverain indépendant d’Hyderabad, se trouve séparé de son armée par celle de ses alliés, qui le tiennent échec et mat ! » Tel a été le sort de tous les souverains de l’Inde qui ont, de gré ou de force, entamé la partie avec les Anglais ; heureux encore quand ceux-ci, violant les règles du jeu, n’ont pas pris le roi après lui avoir enlevé ses cavaliers et ses tours, son armée et ses forteresses.

Le royaume de Golconde (d’Hyderabad), aujourd’hui dans sa décrépitude, ne compte pas plus d’un siècle d’existence. Sheyed-Koulikhan, chef d’un corps mogol dans l’armée impériale, à la fin du règne d’Aurang-Zeb, est appelé par Mohamed-Shah, arrière-petit-fils de ce dernier, à la vice-royauté du Dekhan. Profitant des troubles qui désolent l’héritage du grand-mogol, Koulikhan érige son fief militaire en souveraineté indépendante (1732), et règne sur toute la presqu’île au sud du Crichna, excepté sur les tribus mahrattes de la côte occidentale. Il meurt à l’âge de cent quatre ans, et laisse à ses cinq fils un magnifique royaume, que ceux-ci se disputent en appelant à leur aide les compagnies marchandes établies sur le littoral. Mais un testament, vrai ou faux, signé du vieux prince, et une patente obtenue du grand-mogol donnent à son petits-fils Mouzuffer-Jung des droits à la couronne contestée. Ces droits qu’il ne peut