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L’INDE ANGLAISE.

a le rare bonheur de trouver l’attention tout éveillée sur les questions qu’il traite. L’auteur, hâtons-nous de le dire, s’est préparé consciencieusement, par un séjour de neuf ans dans l’Inde, à paraître devant un public dont il semble avoir, long-temps d’avance, deviné les instincts. Fils d’un officier dans la brigade irlandaise de Dillon, au service de la France, lequel choisit, en 1789, la côte de Coromandel pour le lieu de son émigration, et d’une créole française de Pondichéry, M. le comte de Warren naquit à Madras. En 1815, son père vint à Paris rejoindre les Bourbons ; puis, forcé de faire un second voyage dans l’Hindostan, il laissa en Lorraine ce jeune fils, qui gardait dans son esprit un irrésistible désir de revoir la terre magique « où fleurit le citronnier, où l’orange dorée se colore sous le sombre feuillage. » Au souvenir de ces serviteurs bronzés, coiffés de turbans de mousseline blanche, qui l’endormaient dans son berceau, vint se mêler chez l’enfant, avec l’âge, l’envie d’explorer une contrée où la France a brillé d’un si vif éclat et que la France oublie, comme si Bussy, Dupleix, Labourdonnais, étaient morts depuis vingt siècles ! Un refus d’amission à un premier examen pour l’École Polytechnique, une seconde épreuve plus heureuse, mais qui ne présentait pas dans l’avenir d’assez grands avantages, décidèrent le jeune élève à tourner définitivement ses regards vers l’Orient, pays de rêves et de chimères, que l’on voit en songes, que l’on regrette après l’avoir quitté, et dont cependant on a hâte de sortir !

Mais quel moyen, pour un Français, de voir et de connaître l’Inde ? Un seul, celui que conseilla à l’auteur le comte Dupuys, ancien gouverneur de nos établissemens dans cette partie de l’Asie. « Pour pénétrer les mystères de l’Inde, lui dit-il, il vous faut devenir Anglais. Votre père a servi l’Angleterre, il y a trouvé des maîtres généreux qui récompensent bien ceux qui les servent consciencieusement. Faites comme lui ; servez-les avec énergie, zèle et loyauté, au prix, s’il le faut, de votre santé et de votre vie. Puis, plus tard, si vous en revenez, vous pourrez, sans trahison, raconter ce que vous aurez vu… » Ces avis, M. de Warren les a suivis en tous points. Après avoir erré quelques mois dans les rues de Londres, devant ces hôtels d’une opulente aristocratie, dont les portes hospitalières sont rigoureusement fermées à qui a les mains vides de recommandations puissantes,

    comptoir des imprimeurs-unis. L’auteur a bien voulu nous communiquer à l’avance les bonnes feuilles de son livre, qui nous semble destiné à produire une vive sensation sur les esprits sérieux.