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d’une combinaison principale. M. Billault, ainsi que. M. Jules de Lasteyrie, dans un discours trop peu écouté, ont établi qu’en Grèce, comme en Espagne, la bonne harmonie était le résultat de circonstances accidentelles, et nullement le fruit d’une identité d’intérêts entre le cabinet de Londres et celui de Paris. À Athènes, l’Angleterre a dû s’entendre avec la France pour ne pas livrer la révolution grecque à la Russie et pour conserver la prépondérance que lui donne le triomphe du parti constitutionnel, qui est le sien ; à Madrid, il serait difficile de prétendre que l’entente cordiale existât la veille de la chute d’Espartero ; si elle a commencé le lendemain, c’est qu’il est de première nécessité pour l’Angleterre de refaire, sur ce théâtre, sa position, si gravement compromise, et que le concours de la France lui est utile pour cela. Quant à l’avenir, la Grèce et l’Espagne sont deux puissances maritimes dont l’Angleterre ne peut souhaiter ardemment le progrès, puisqu’elles sont l’une et l’autre nos alliées naturelles. La Grèce et l’Espagne sont appelées à choisir entre deux modes d’existence, le système industriel et le système agricole. Il faut que l’Espagne redevienne grande puissance coloniale, ou qu’elle accepte les conditions du Portugal ; il faut que le traité de Méthuen s’étende à toute la Péninsule, ou que celle-ci ferme ses marchés et ses ports à l’importation et à la contrebande anglaises. Dans une situation aussi clairement indiquée, conclure d’un accord d’un moment à une harmonie permanente, c’est, ou se résigner d’avance à de grands sacrifices, ou manquer de pénétration en face des complications que ne manquera pas d’amener un très prochain avenir.

Ces observations, présentées par M. Billault avec un remarquable talent de parole, ont fortement impressionné les diverses parties de la chambre. La majorité a paru se préoccuper surtout de la crainte de nous voir acheter dans la Péninsule, au prix d’un traité de commerce déguisé sous une modification de tarifs, la concession qui nous est faite relativement au mariage de la reine Isabelle II, mariage qui devra appeler au trône d’Espagne l’un des descendans directs de Philippe V, ce qui implique toutes les branches de la maison de Bourbon, excepté celle qui règne en ce moment sur la France. Il n’a fallu rien moins que les affirmations réitérées de M. le ministre des affaires étrangères pour dissiper les inquiétudes de la chambre relativement à la Péninsule, et surtout pour la rassurer contre l’éventualité d’une négociation commerciale directe entre la France et l’Angleterre. Sur ce point, les déclarations de M. Guizot ont été si formelles, que la plus extrême défiance pourrait seule désormais soupçonner ses intentions. Sir Robert Peel en sera donc pour ses discours et ses vaines assurances au parlement britannique. Nous verrons bientôt comment il expliquera les uns, et se justifiera des autres.

Ici se présente une des difficultés que va bientôt rencontrer le cabinet français. À l’ouverture du parlement britannique, le chef du gouvernement anglais sera mis en demeure de s’expliquer sur ses rapports avec la France. Il devra exposer dans quel sens et dans quel esprit a pu être accepté le prin-