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médiatement mis en vente, aux prix réglés par le ministre des colonies. Il est certain que des mesures ainsi ordonnées écarteraient de l’établissement de la colonie ces pertes de temps et d’argent devant lesquelles reculent dans l’état actuel des choses un grand nombre de personnes. Les avantages du système réalisé ne peuvent être contestés. Une question cependant reste à résoudre : c’est la question financière ; c’est celle de l’étendue des avances que ces mesures imposeraient au gouvernement métropolitain.

M. Gladstone prouve par l’exposition des faits qui se sont passés aux États-Unis et dans les établissemens australiens, exposition dans laquelle il nous serait inutile de le suivre, que les fonds dépensés dans un pays neuf pour préparer la colonisation immédiate créent une valeur bien suffisante pour en procurer le remboursement ; et dans l’application de ses plans à l’exemple qu’il a choisi dans l’Afrique orientale, voici comment il explique le virement financier qui s’opérerait. Il suppose que le gouvernement fixât le prix de l’acre de terrain à Natal à 31 sh.d., et qu’il s’agît d’établir une population de dix mille colons dans cette province ; l’expérience des États-Unis prouve qu’une population de ce chiffre occuperait 100,000 acres de terres, qui, au prix du gouvernement, produiraient 150,000 liv. st. M. Gladstone ne demande au gouvernement qu’une avance de 100,000 liv. st. pour former cet établissement de dix mille ames. Il a été démontré, en effet, que dans la Nouvelle-Galles du sud, bien plus éloignée de l’Angleterre que l’Afrique orientale, 1,000,000 liv. st. aurait été suffisant pour établir une population de cent mille colons. Or, en même temps que cette première émigration s’établirait, l’ingénieur en chef se servirait de la somme produite par la vente du premier district de 100,000 acres, pour payer l’intérêt des billets de l’échiquier que le gouvernement aurait consacrés aux premières avances, et pour préparer un second district de même étendue, dont la vente à de nouveaux émigrans rembourserait le gouvernement. Ainsi, avec une simple avance de 100,000 liv. st. (2,500,000 francs), le ministre du commerce anglais se chargerait d’établir rapidement et facilement une colonie prospère de vingt mille ames. Il nous est impossible, à nous Français, en voyant que des résultats si féconds peuvent être obtenus à si peu de frais par une politique intelligente, d’étouffer une pensée amère, lorsque nous considérons avec quelle insouciante prodigalité on jette chez nous les millions dans des flots stériles, dans des mers lointaines où aucun intérêt commercial de quelque valeur n’appelle nos capitaux et nos navires. On voit combien est facile la réalisation