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DE LA QUESTION COMMERCIALE EN ANGLETERRE.

colonies, et ils y créeraient une plus grande abondance de matières premières et une demande de produits manufacturés. L’équilibre qui doit exister pour une production prospère entre l’offre et la demande serait rétabli.

L’émigration des capitaux et de la main-d’œuvre dans les colonies ne serait pas moins efficace contre les effets de la concurrence étrangère. Voici comment cette concurrence produit ses effets les plus funestes. Il y a des marchandises pour la fabrication desquelles l’Angleterre possède sur les autres pays un avantage décidé ; il y en a d’autres pour la production desquelles l’avantage est disputé ou appartient aux pays étrangers. Le capital et la main-d’œuvre appliqués aux manufactures, dépassant, en Angleterre, la proportion requise pour satisfaire la demande des produits dans lesquels l’industrie britannique a la supériorité, sont obligés d’aller chercher de l’emploi dans les branches de l’industrie où les étrangers excellent, où les profits des étrangers sont plus considérables que ceux de l’Angleterre. La concurrence blessant ainsi l’industrie britannique sur son point le plus faible, il s’ensuit que les revenus de cette industrie, et par conséquent les profits des capitaux et les salaires du travail, sont inférieurs à ceux qu’obtient la rivalité étrangère. Au contraire, s’il était possible de rendre les immenses colonies de l’Angleterre d’un accès facile à cette richesse, à cette population dont l’accumulation dans des limites trop resserrées produit de si cruelles souffrances, de nouvelles sociétés se fonderaient, des marchés nouveaux s’ouvriraient aux produits de la mère-patrie, l’industrie ne serait plus forcée de s’engager dans les branches de la production où la supériorité appartient aux étrangers. La concurrence étrangère cesserait de peser sur le point le plus faible de l’industrie anglaise, et de régler par-là le niveau de ses revenus. Un grand et rapide développement donné à la colonisation permettrait peut-être à l’Angleterre de neutraliser l’effet des tarifs hostiles. Si les millions d’acres de terrain fertile, aujourd’hui couverts de forêts dans le Canada, étaient semés de chanvre et de blé ; si les pâturages naturels de l’Australie procuraient à l’Angleterre des approvisionnemens plus considérables de laine, de peaux et de suif ; si les forêts et le lin indigène de la Nouvelle-Zélande, amélioré par la culture, fournissaient les matériaux de l’équipement de la marine anglaise ; si les possessions fertiles, mais aujourd’hui dépeuplées, du royaume-uni dans l’Afrique orientale, sous la latitude des états de l’Union américaine qui produisent le coton, affranchissaient l’industrie anglaise de la dépendance périlleuse dans laquelle elle se trouve placée vis-à-vis de