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DE LA QUESTION COMMERCIALE EN ANGLETERRE.

vent même être éclaircies que par la mort, lorsque les gages ne suffisent plus à leur subsistance. Il n’est pas nécessaire d’indiquer les périls que recèle une situation semblable, tout le monde les aperçoit. Comment les prévenir ? Voilà la question, et certes c’est pour un avenir plus ou moins éloigné le to be or not to be de l’Angleterre. Y a-t-il des remèdes qui puissent extirper le mal ? Trouvera-t-on du moins des agens assez énergiques pour le neutraliser ? M. Gladstone en a cherché ; nous allons voir ceux qu’il propose. Mais, avant de les examiner, disons un mot du rappel absolu des lois sur les céréales, mesure extrême, radicale, qu’une agitation puissante et qui étend chaque jour son influence propose comme une infaillible panacée aux difficultés de l’Angleterre.

Le plus grand vice du rappel absolu des lois sur les céréales, c’est de ne pas toucher sérieusement aux causes permanentes des embarras de l’industrie britannique. Le rappel des lois sur les céréales arrêtera-t-il la tendance des revenus de l’industrie anglaise à diminuer ? En d’autres termes, empêchera-t-il les industries étrangères de faire des progrès dans leur rivalité avec les manufactures britanniques ? Donnera-t-il aux capitaux employés à l’étranger à la production des matières premières une force d’élasticité et d’expansion égale à celle des capitaux anglais, et préviendra-t-il la production disproportionnée dans le royaume-uni ? Il est bien manifeste que non. Il y a plus : il serait possible que le rappel absolu et inconditionnel fût pour les autres pays une invitation à maintenir leurs tarifs élevés. Qu’arriverait-il, en effet, lorsque les ports anglais seraient ouverts sans restriction au blé étranger ? Le prix du blé s’élèverait dans les pays producteurs, en Russie, en Autriche, par exemple, au taux qu’il aurait en Angleterre, moins les frais de transport. Les prix s’élevant, ces pays seraient à même d’acheter avec le prix de la même quantité de blé qu’auparavant une quantité plus considérable de matières premières nécessaires à leurs manufactures. Leur puissance manufacturière s’accroîtrait donc.

Le rappel des lois sur les céréales, opéré progressivement, de manière à obtenir des avantages réciproques pour les manufactures anglaises de la part des pays producteurs de blé, peut concourir, dans telle circonstance donnée, à alléger les embarras de l’industrie britannique. Il n’est pas prouvé au contraire que le rappel absolu, qui jetterait une perturbation profonde dans les immenses intérêts engagés dans l’agriculture, fût vraiment profitable à l’industrie. Cependant l’association pour le rappel des lois sur les céréales devient une puissance.