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pas, dit M. Gladstone, que font les pays industriels étrangers vers le moment où ils atteindront la puissance du travail manufacturier en Angleterre, la différence qui a existé, quant aux revenus de l’industrie, entre l’Angleterre et ces pays, doit décroître… Si la puissance du travail manufacturier s’augmentait notablement en France, une portion considérable du peuple anglais, à moins d’être rapidement portée dans les terres inoccupées de nos colonies, disparaîtrait de la face du monde. Nous ne devons jamais perdre de vue ce fait, que la force croissante de la concurrence étrangère diminue graduellement les revenus de l’industrie en Angleterre. »

La concurrence intérieure produit le même résultat que la concurrence étrangère ; elle diminue les fonds où s’alimentent les profits et les salaires. C’est un fait d’expérience constante, que, lorsque la production dépasse la demande, les prix, les profits et les salaires tombent. Or, l’excès de production n’est pas, comme on le suppose souvent à tort, un encombrement général de toutes marchandises, une trop grande abondance de toutes choses. L’excès de la production est une production disproportionnée. Si les équivalens donnés par les pays étrangers en échange des produits manufacturés anglais pouvaient suivre la rapidité avec laquelle les capitaux et le travail britanniques peuvent accroître la quantité de ces produits, il n’y aurait pas excès de production ; le capital et le travail pourraient être indéfiniment en activité sans qu’il en dût résulter une baisse dans les profits ou dans les salaires. Telle n’est pas la condition de l’Angleterre par rapport aux autres pays commerçans du monde. La richesse et la population se sont accrues plus rapidement en Angleterre que chez les autres peuples. En Angleterre, le pouvoir de produire des marchandises manufacturées a été plus rapidement développé que le pouvoir de produire des matières brutes dans les pays étrangers. Il s’en est suivi une production disproportionnée de marchandises anglaises par rapport à la demande étrangère, — des encombremens occasionnels, des périodes de stagnation et de réveil, — des alternatives d’excitation et d’abattement, — des banqueroutes et la détresse lorsque les marchés étrangers ont été encombrés, — des profits et des salaires élevés lorsque ces marchés n’ont plus été assez abondamment fournis ; — le commerce extérieur a été soumis à une sorte de fièvre intermittente. Les économistes qui voient dans la liberté absolue du commerce une panacée universelle prétendent qu’elle suffirait pour donner au capital et au travail tout l’aliment qu’ils réclament. Ils ne prennent pas garde que la concurrence intérieure, lors même qu’elle ne serait pas accompagnée de