Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/508

Cette page a été validée par deux contributeurs.
504
REVUE DES DEUX MONDES.

Tel est le retentissement des mauvaises récoltes. Le système de crédit de l’Angleterre en rend les conséquences plus désastreuses encore. Ce système fait de la circulation de ce pays la plus susceptible, la plus variable de l’Europe. Les fluctuations, les mouvemens alternatifs d’expansion et de resserrement que subit l’intermédiaire que les émissions des banques fournissent aux échanges, sont une des causes les plus directes et les plus puissantes des embarras commerciaux du royaume-uni. Toutes les fois que ces fluctuations dépassent celles auxquelles la circulation serait normalement exposée, si elle était purement métallique, les embarras surgissent. Au moment de l’expansion, il est vrai, les affaires sont prospères : nul doute qu’il faudrait se louer de la supériorité d’élasticité que les émissions des banques ont sur les espèces, si le mouvement de cette élasticité devait être permanent. À mesure que l’intermédiaire des échanges devient plus abondant, il diminue de valeur ; c’est un désavantage pour les propriétaires de revenus fixes, mais c’est un avantage pour les possesseurs de capitaux actifs directement employés à la reproduction. En effet, les prix des produits s’élèvent ; cette hausse progressive encourage les producteurs qui travaillent sur leur crédit ou avec des capitaux empruntés ; elle excite la spéculation sur les marchandises, et tant qu’elle dure, elle entretient une activité féconde dans tous les départemens de l’industrie. Pourtant l’abondance de l’intermédiaire des échanges, l’expansion des émissions des banques sur lesquelles cette hausse des prix repose, ne sont que des excitations artificielles, enivrantes, qui ne peuvent se maintenir, et qui, lorsqu’elles passent, sont suivies d’une dépression correspondante. Aussi long-temps que le monde commercial continuera à prendre les métaux précieux pour la mesure de la valeur, la circulation en papier, à quelques oscillations temporaires qu’elle soit soumise par des émissions désordonnées, devra toujours finir par se conformer à son étalon métallique. Toutes les fois qu’une expansion anormale réduit la valeur de la circulation anglaise par rapport aux circulations étrangères, qu’elle rend l’argent moins cher en Angleterre qu’à l’étranger, l’argent est exporté d’Angleterre, de fortes saignées sont faites aux réserves des banques ; celles-ci, pour remplir leurs caisses, sont obligées de resserrer plus ou moins promptement leurs émissions ; malheureusement l’argent qui en est sorti pendant qu’il était moins cher en Angleterre qu’à l’étranger ne peut y être ramené que si la valeur de la circulation du papier est relevée au-dessus du pair étranger. Les banques se sauvent ainsi ; mais alors commencent les souffrances de l’industrie : une hausse dans