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de Nicaragua de l’Océan Pacifique, toute parsemée de volcans qu’elle est, présente un terrain de peu d’élévation. Les récits du célèbre navigateur Dampier, qui avait guerroyé dans ces régions, autorisaient à supposer que, dans les trois tracés du lac de Leon à Realejo, du lac de Nicaragua à la baie de Papagayo ou à celle de Nicoya, le terrain est le plus fréquemment uni et en savanes. Entre la ville de Leon et la côte de Realejo, le sol naturel offre un bon chemin pour les voitures, et d’un bout à l’autre il semble tout-à-fait plat[1] ; mais l’œil d’observateurs, même exercés, apprécie difficilement les saillies du terrain lorsqu’il monte graduellement. « Rien de plus trompeur, dit M. de Humboldt, que le jugement que l’on porte de la différence de niveau sur une pente prolongée et par conséquent très douce. Au Pérou, j’ai eu de la peine à croire mes yeux en trouvant, au moyen d’une observation barométrique, que la ville de Lima est de 91 toises (176 mètres) plus élevée que le port du Callao. Les mangliers que Dampier a vus sur la route de Realejo à Leon sont de sûrs indices d’un sol déprimé et humide ; mais il ne dit point qu’il les ait observés sur toute la ligne.

Il faut donc des nivellemens soignés : rien n’y peut suppléer. À la fin du siècle dernier, quelques années avant la révolution française, alors que les idées d’amélioration et de progrès germaient partout, la cour d’Espagne fit exécuter un nivellement du golfe de Papagayo au lac de Nicaragua. C’est alors que fut connue pour la première fois l’élévation du lac au-dessus de l’Océan. L’ingénieur don Manuel Galisteo trouva que la distance de l’Océan au lac était de 29,910 mètres, que le faîte du terrain était à 86 mètres 62 centimètres au-dessus de l’Océan, et à 45 mètres 75 centimètres au-dessus du lac, ce qui donnait pour la hauteur du lac lui-même, relativement à l’Océan, 40 mètres 87 centimètres. Le creusement d’un canal au niveau du lac n’eût rencontré de difficulté que dans un intervalle de 9,600 mètres attenant au lac. L’élévation du terrain au-dessus du lac y est d’au moins 18 mètres 30 centimètres, et même pendant 2,800 mètres

  1. La ville de Leon, dit Dampier, est à 20 milles (32 kilomètres) dans le pays. On y va sur un chemin plain et uni, au travers d’un pays plat, composé de grands pâturages et de pièces de bois de haute futaie. À environ cinq milles du lieu de débarquement (voisin de Realejo), il y a une sucrerie ; trois milles plus loin, une autre, et à deux milles de là on rencontre une belle rivière qu’il faut passer et qui n’est pas fort profonde. Outre cette rivière, on ne trouve d’eau qu’à une ville des Indiens qui est à deux milles de Leon. De là le chemin est agréable, sablonneux et droit. » (Traduction de Dampier, imprimée à Rouen en 1723, t. I, p. 280).