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chine infernale, elle s’est mise en guerre ouverte contre tous les journaux de sa nuance. En réclamant pour elle-même, c’est-à-dire pour M. de Genoude, la direction de son parti à l’exclusion des royalistes parlementaires, la Gazette a rompu avec le comité légitimiste, qui l’a formellement désavouée ; et quelque temps après, M. de Locmaria lui signifiait dans la Quotidienne, au nom de la cour de l’exil, le témoignage d’une haute improbation. Pour répondre à tous ces reproches, que fait la Gazette ? Elle organise dans la presse départementale des adhésions à ses doctrines, et reproduit, en les empruntant aux Gazettes de la province, des apologies qui étaient parties toutes faites de Paris pour les départemens. En politique, la situation de la Gazette est donc fausse sur tous les points : elle ne représente ni un principe ni une idée ; isolée dans son parti et sans sympathies au dehors, fatale à la cause qu’elle veut servir, parce qu’elle l’affaiblit en la divisant, elle est peu redoutable à ceux qu’elle attaque. En religion, son rôle, quoique plus modéré, est complètement insignifiant. Le catholicisme y ramène toujours à la politique, et la discussion roule tout entière sur quelques propositions banales : — le gouvernement a érigé l’impiété en système ; — l’église est tyrannisée ; — il faut lui rendre son ancienne constitution, et faire au clergé une plus large part dans les affaires du pays. — C’est une occasion d’insister sur l’éligibilité des prêtres, et ici encore nous apercevons comme corollaire, M. de Genoude, que les quarante-six voix de Périgueux n’ont point désabusé des illusions de la candidature. La Gazette a quelquefois, il faut lui rendre cette justice, des velléités de gallicanisme ; mais il convient de se rappeler qu’elle a été mise à l’index dans les états romains, et ce gallicanisme n’est peut-être qu’une affaire de rancune. Il est d’ailleurs tellement replié, tellement discret, qu’il devient complètement insaisissable. Malgré ses divagations, ses rétractations, ses réticences, les impossibilités de toute nature qui s’élèvent autour d’elle, les hostilités qu’elle rencontre dans son propre parti, la colère des uns, l’ironie des autres, l’indifférence du plus grand nombre, la Gazette entonne tous les jours un chant de triomphe : elle s’imagine naïvement qu’elle représente la France, que son opinion est en progrès, tandis que son chiffre de circulation va décroissant. D’après les tableaux du timbre, la Gazette émettait en 1837 une moyenne de 5,506 numéros ; en 1838, cette moyenne n’est plus que de 5,000 ; en 1843, elle est réduite à 3,558. Le chiffre du progrès de la Gazette dans les provinces et hors de France, d’après les tableaux de la poste, n’est pas moins concluant : en 1838, la Gazette déposait à la poste une moyenne de 4,700 numéros ; dans le dernier semestre de 1843, elle en a déposé 2,946. Il est vrai de dire que ce déclin de la Gazette a aussi une autre cause dans l’interdiction qui l’a frappée à Rome et dans les états sardes.

M. de Genoude, dans la Nation, subit une transformation nouvelle. De légitimiste et de radical qu’il était, il s’est fait national, tout en restant ce qu’il était précédemment ; et comme il commençait sans doute à comprendre lui-même que le pays ne l’écoutait plus quand il le prêchait au nom de la