Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/476

Cette page a été validée par deux contributeurs.
472
REVUE DES DEUX MONDES.

rialiste. Lorsqu’il se trouve, comme cela lui arrive parfois, en opposition avec quelques membres du haut clergé qui ne partagent pas les ardeurs inconsidérées de MM. les évêques ses correspondans, l’Univers fait des réserves et se rejette dans l’ultramontanisme. M. de Lamennais protestait au nom de l’humanité contre l’église ; l’Univers proteste contre l’autorité diocésaine au nom du pape ; c’est une manière commode de cumuler les profits de la révolte et les mérites de l’obéissance. Le journal de M. de Chartres ne voit dans les libertés de l’église gallicane que des libertés enchaînantes, suivant le mot de M. l’archevêque de Cologne ; il demande pour le clergé français l’influence sociale du clergé belge. Ce n’est qu’un acheminement vers une organisation bien autrement menaçante, car l’Univers déclare que l’église est supérieure à l’état de toute la distance qui sépare un édifice divin des constructions humaines, et il part de là pour établir la prédominance nécessaire et absolue de ce qui est parfait sur ce qui ne l’est pas, c’est-à-dire de la société ecclésiastique sur la société civile. Ainsi, sur quelques points que porte l’examen, l’Univers est toujours au-delà des limites du juste et du vrai ; sa philosophie est nulle, sa religion étroite, crédule, intolérante ; sa critique littéraire sans portée, et l’on se demande avec surprise comment il s’est rencontré dans l’épiscopat des hommes assez étourdis, malgré la gravité de l’âge et du caractère, pour prendre sous leur patronage l’excellent journal, comme ils disent, qui, loin d’être utile aux intérêts sérieux du catholicisme, ne peut servir au contraire qu’à le compromettre vis-à-vis des catholiques sincères et des indifférens. Il en est de la plupart des écrivains de ce journal comme des architectes maladroits qui dégradent les cathédrales en voulant les restaurer, et ce n’est pas sans raison que M. Dubourg, archevêque de Besançon, disait : « le journalisme prétendu religieux nous perd. » L’Univers, qui exagère toujours, a la prétention de parler au nom de trente millions de fidèles : à en juger par le nombre de ses lecteurs, cette prétention paraît fort contestable. En effet, l’Univers, qui se publie en deux éditions, l’une quotidienne, à l’exception du lundi, à 50 fr., l’autre, trois fois la semaine dans le format in-4o, au prix de 30 fr., n’atteint guère, malgré la facilité et l’économie de ces deux modes de souscription, qu’un chiffre de 3,000 abonnés[1].

  1. Selon la statistique du timbre, la moyenne d’émission de l’Univers par jour serait de 2884 pour l’année 1843 ; nous aimons mieux la porter plus haut, bien que ni la moyenne du timbre, ni celle que nous donnons ne soit rigoureusement exacte, si nous considérons que l’Univers, qui ne paraît pas le lundi, donne cependant, avec ses deux formats, 104 numéros de publication de plus par an que les autres journaux quotidiens, c’est-à-dire que, tout en gardant le silence le lundi, il paraît (l’édition de six fois la semaine et celle de trois fois comprises) en réalité 469 fois au lieu de 365. La semaine, pour la publication de l’Univers, a donc neuf jours au lieu de sept ; pour être plus clair, il arrive que, deux fois la semaine, ce journal (même en défalquant 52 numéros pour son silence du lundi) paraît deux fois en un jour, en deux formats différens. Or, un journal qui paraît 104 fois de plus dans l’année que les