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L’ÎLE DE BOURBON.

remarque surtout le ravenala de Madagascar, l’arbre du voyageur, aux fruits lisses et écailleux, aux longues feuilles en éventail, qui a la propriété de conserver dans son tronc poreux une grande quantité d’eau. En remontant la principale rue qui part de la mer, on arrive au jardin du Roi, qui est fort petit, mais arrosé de bassins[1], et distribué avec goût. Les promenades du matin y sont charmantes et instructives même, quand on a pour cicérone le directeur M. Richard, qui, après avoir étudié la botanique et pratiqué l’horticulture dans les quatre parties du monde, est venu continuer ses travaux sur cette île curieuse, déjà explorée par lui dans toutes ses localités. Il donne ses soins particuliers à des pépinières établies dans le but de fournir aux colons les arbustes à fleurs et les arbres à haute tige, qui sont le plus bel ornement des lieux cultivés.

La circonférence de l’île est de quarante-huit lieues ; la population totale s’élevait en 1837 à 109,330 individus, dont 39,817 libres et 69,513 esclaves ; ce qui ne donne guère qu’un habitant par deux hectares. Le nombre des affranchissemens, qui, de 1830 à 1843, a été, dans nos quatre colonies, de 39,820, paraît moins satisfaisant à Bourbon qu’à la Martinique et à la Guadeloupe[2] : on y compte en tout à peu près 10,000 individus de couleur libres ; mais ils ne forment pas là comme aux Antilles, comme à la Nouvelle-Orléans, comme au Brésil surtout, une classe à part, indépendante par caractère, souvent menaçante. On a essayé d’introduire dans la colonie, à côté de ces travailleurs émancipés, des Indiens de la côte de Coromandel et de l’Orissa. Les premiers engagemens n’ayant pas été faits avec assez de discernement et de sagesse, les nouveaux venus, koulies et parias, peu satisfaits de leur sort, ont déserté l’île. De plus de 3,000 qu’ils étaient en 1830, il n’en est pas resté 1,500 ; aujourd’hui, c’est de loin en loin qu’on rencontre un turban rouge dans les bazars et sur les chemins. Cependant l’île voisine n’en a pas moins de 10,000 à 15,000, et bien qu’une première tentative ait été pour nous infructueuse, la question des immigrations s’est représentée d’elle-même, à propos de l’émancipation des noirs. La commission spéciale chargée d’examiner les questions relatives à l’esclavage et à la constitution politique des colonies a rédigé, sous la présidence de M. le duc de Broglie,

  1. La ville de Saint-Denis est approvisionnée d’eau par le canal Saint-Étienne, qui a 255 mètres de longueur.
  2. Le nombre des affranchissemens, depuis la fin de 1830 jusqu’à la fin de 1837, a été de 3,000 environ.