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DE LA RÉFORME DES PRISONS.

qui a déjà sept ans de date[1], proposait d’instituer, pour les détenus de race rurale, des pénitenciers agricoles, dans lesquels ces condamnés auraient été employés à des travaux de défrichement et auraient eu à féconder la terre de leurs sueurs. Ce qui n’était alors qu’une hypothèse de sa part devient aujourd’hui dans tel lieu le programme des praticiens et dans tel autre l’expression des faits accomplis.

Ainsi, dans le canton de Vaud, le conseil d’état a décidé en principe que « le travail des détenus aurait lieu en plein air dans la bonne saison, surtout lorsque la détention serait de longue durée. » En même temps il a chargé l’administration d’examiner si les détenus ne pourraient pas être occupés à la culture des domaines du pénitencier ?

En France, le directeur de Fontevrault, M. Hello, encouragé par le succès de l’éducation agricole qu’il donne à une partie des jeunes détenus, a proposé à M. le ministre de l’intérieur de prendre à bail une ferme de trois cents hectares contiguë à la prison, et d’y employer les détenus adultes que les habitudes de leur vie antérieure destinaient aux travaux des champs. Cette proposition, venant d’un praticien consommé et n’entraînant aucun surcroît de dépense, méritait assurément d’être accueillie ; elle reste enfouie dans les cartons du ministère, avec tous les projets qui contrarient trop ouvertement la routine du mécanisme administratif. Et quand on a pris la liberté d’insister sur les avantages de l’expérience que M. Hello demandait à entreprendre, M. le ministre de l’intérieur s’est contenté de répondre que l’administration ne pouvait pas se prêter à courir les chances d’une telle innovation. Eh quoi ! l’emprisonnement solitaire n’est-il pas aussi une innovation, et la plus dangereuse de toutes, étant celle qui s’écarte le plus des précédens de notre législation et des mœurs de notre pays ? Il nous semble que les hommes qui n’ont pas reculé devant le péril d’un changement aussi complet auraient bien mauvaise grace à s’effrayer pour quelques modifications de détail.

Au reste, il ne s’agit même plus d’une innovation, il ne s’agit plus d’une expérience ; le problème est déjà résolu, la tentative a reçu la consécration du succès. Les grands travaux exécutés par les bataillons disciplinaires d’Alger, sous le commandement de M. le colonel Marengo, ne sont pas plus connus que la bonne conduite et le progrès moral des condamnés qui ont concouru à ces prodiges, et le Moniteur algérien du 30 décembre 1842 a pu dire, aux applaudissemens de toute la population : « En reconnaissant combien le travail des champs

  1. De la Réforme des Prisons, par M. Léon Faucher ; 1 vol. in-8o, chez Hachette, rue Pierre-Sarrasin, 8.