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DE LA RÉFORME DES PRISONS.

à construire à 20,000, et les frais à 38 millions de francs, dont 7 millions, suivant lui, ont déjà été dépensés à Paris. L’honorable rapporteur a confondu les dépenses qu’exigent les maisons départementales destinées aux accusés et aux condamnés à moins d’un an avec celles qu’il faudrait faire pour remplacer les maisons centrales et les bagnes par des prisons construites dans le système pensylvanien. La ville de Paris n’a jusqu’à présent songé qu’à bâtir une prison à l’usage des prévenus et des accusés ; il n’entrait pas même dans ses attributions d’aller au-delà.

Indépendamment des prévenus et des condamnés qui sont renfermés dans les prisons départementales, les maisons centrales et les bagnes comptent ensemble 26,000 détenus. Ôtez les femmes et les enfans, il restera encore 20,000 à 21,000 condamnés à loger. On parle d’exécuter des travaux d’appropriation dans les maisons centrales pour y celluler une partie de ces détenus. C’est parce que nous avons vu ces établissemens que nous déclarons la transformation impossible, à moins de compromettre l’existence même des condamnés. L’emprisonnement solitaire est déjà bien assez meurtrier ; l’autorité se doit à elle-même de ne pas l’aggraver en refusant l’air et l’espace aux détenus.

C’est donc pour 20,000 condamnés au minimum qu’il faudrait construire les nouvelles prisons. À Philadelphie, les dépenses de construction se sont élevées à 8,738 fr. 93 cent. par cellule. Le plan de M. Haroux Romain[1] pour la France, le seul qui paraisse réunir les conditions de sécurité et de salubrité, avait été évalué par la commission d’examen à 5,500 fr. par détenu ; mais le conseil des bâtimens a été d’avis que la dépense excéderait l’évaluation. La prison de Pentonville, modèle que les partisans de l’emprisonnement solitaire jugent suffisant, a coûté près de 2 millions de francs pour 500 détenus[2]. M. de Tocqueville fait remarquer que les prisons construites dans le système pensylvanien à Paris et dans les départemens n’ont coûté en moyenne que 2,900 fr. par cellule ; il aurait dû ajouter que ces maisons, bonnes tout au plus pour des condamnés à court terme, ne remplissent pas le programme d’un établissement pénal. Des bagnes pensylvaniens coûteraient en France 3,500 fr. à 4,000 fr. par détenu ; ce serait donc pour 20,000 détenus une dépense de 70 à

  1. Observations sur les changemens apportés au projet de loi sur le régime des prisons, par M. Charles Lucas.
  2. Les dépenses réelles dépasseront le devis de 71,635 liv. st., envoyé au gouvernement français et relaté par M. de Tocqueville dans son Rapport.