Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/397

Cette page a été validée par deux contributeurs.
393
DE LA RÉFORME DES PRISONS.

la règle était la même que celle de nos maisons centrales, la réunion des prisonniers dans les dortoirs pendant la nuit, et le travail en commun pendant le jour ; de 1826 à 1834 règne un nouveau système, imitation imparfaite de la règle d’Auburn ; enfin, de 1834 à 1841, l’on aggrave les rigueurs de ce régime pour les détenus ordinaires, et l’on adopte pour les détenus en récidive le système pensylvanien. Dans un ouvrage remarquable[1], M. le docteur Verdeil, membre du grand conseil, a jugé ces trois périodes par les résultats qu’elles avaient produits. On y voit 1 seul aliéné dans la première période, 2 dans la seconde, et dans la troisième 31. M. Verdeil paraît croire que la mortalité n’a pas varié ; mais M. Gosse[2] a démontré, par une analyse plus exacte des mêmes faits, que l’emprisonnement solitaire avait nui à la santé autant qu’à la raison des détenus. Nous le laisserons parler :

« Du 1er  novembre 1834 au 1er  janvier 1842, 580 prisonniers, dont 458 hommes et 122 femmes, ont été soumis au travail en commun, et 103 prisonniers, dont 85 hommes et 18 femmes, ont été reclus solitairement.

« Des 458 hommes, il en est mort 13, ce qui fait 2, 83/100 morts pour 100 détenus. Des 122 femmes, une seule a succombé, soit 0, 82/100 pour 100 détenues. Les décès pour les deux sexes n’ont donc pas dépassé, dans la vie d’atelier, la proportion de 2, 41/100 pour 100 détenus, chiffre inférieur à celui de la mortalité de la ville de Lausanne, qui est en moyenne de 2, 58/100 pour 100 habitans.

« Dans le même espace de temps, sur les 85 hommes reclus solitairement, il en est mort 6 dans la prison, ce qui fait une mortalité de 7, 06/100 pour 100 détenus. Les femmes ont présenté une mortalité plus effrayante : sur les 18 recluses solitaires, il en est mort 3, soit 16, 60/100 pour 100 détenues !

« Les cas d’aliénation mentale survenus dans le pénitencier présentent des circonstances analogues, quoique moins tranchées. Des 31 cas qui appartiennent à cette époque, il faut en retrancher 5 qui avaient déjà été atteints de symptômes plus ou moins marqués de folie avant leur dernière incarcération. Restent 26 aliénés, dont 21 hommes et 5 femmes sur 683 détenus, ce qui donne une proportion de 38 06/100 aliénés des deux sexes sur 1,000 détenus.

« Des 21 aliénés mâles, 12 faisaient partie des 458 condamnés travaillant en commun, soit 26 20/100 pour 1,000 détenus de cette catégorie, et 9 appartenaient aux 85 détenus en cellules solitaires, soit 105 88/100 pour 1,000 détenus de cette catégorie.

  1. De la Réclusion dans le canton de Vaud, par A. Verdeil, D. M., in-8o.
  2. Analyse de l’ouvrage de M. Verdeil, par M. le docteur Gosse ; Bibliothèque de Genève.