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DE LA RÉFORME DES PRISONS.

« En 1838, il n’y avait que trois prisons d’état (prisons centrales) dans les États-Unis qui eussent adopté la règle pensylvanienne, savoir : deux dans la Pensylvanie, et une dans le Nouveau-Jersey, tandis que, dans l’espace de quelques années, la règle d’Auburn s’était répandue dans le Nouveau-Hampshire, dans le Vermont, le Massachusetts, le Connecticut, l’état de New-York, le Maryland, le district de Columbie, la Virginie, la Georgie, le Tennessee, l’Illinois, l’Ohio et le Haut-Canada. Depuis 1838, aucun état en Amérique n’a adopté le système séparé, à l’exception de Rhode Island, qui l’a déjà abandonné, 6 prisonniers sur 37 ayant perdu l’esprit. La Louisiane, l’état de Mississipi, l’Alabama, le Kentucky, Indiana, Michigan et le Maine ont embrassé le système d’Auburn. Quelques maisons de correction sur le plan de Philadelphie existent dans la Pensylvanie, dans le New-Jersey et dans la ville de New-York ; on en projette une autre dans le Kentucky. Mais le plan d’Auburn s’est étendu et s’étend généralement aux prisons de comté ainsi qu’aux maisons de correction, dans les états du nord, du sud et de l’ouest. Les maisons de refuge pour les jeunes délinquans en Amérique sont toutes construites sur le plan de la séparation de nuit et du travail en commun pendant le jour. »

C’est donc dans la période où le système pensylvanien devient impopulaire en Amérique, où son expansion est complètement arrêtée depuis cinq ans, et où le déclin est déjà visible en attendant l’abandon, que le gouvernement et la commission nous proposent de l’adopter en France ; on conviendra que le moment de l’enthousiasme et de l’importation est assez mal choisi. Si l’exemple des États-Unis ne suffit pas du reste, il semble que celui de l’Angleterre devrait nous avertir. Le gouvernement britannique s’était d’abord passionné pour l’emprisonnement solitaire, et il avait l’intention de l’appliquer à toutes les prisons ; mais l’expérience n’a pas tardé à faire justice de cet engouement irréfléchi. La première épreuve du système eut lieu dans le pénitencier de Millbank à Londres ; en dix-huit mois, quinze détenus y succombèrent et perdirent entièrement la raison. L’on résolut alors de modifier la règle de la maison : la durée de l’emprisonnement solitaire fut limitée à trois mois pour chaque détenu, et, à l’expiration de cette période, il fut permis aux condamnés de causer entre eux pendant la récréation. Cette réforme date du mois de juin 1841, et pendant les dix-huit mois qui suivirent, le comité de surveillance l’affirme dans son rapport de 1843, cinq cas de folie seulement se déclarèrent dans la maison. Il est probable que, si au lieu de se borner à un adoucissement du régime solitaire, on y avait tout-à-fait renoncé, cette démence en quelque sorte endémique eût complètement disparu.

Le gouvernement anglais a fait construire à Pentonville, dans la