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néanmoins adopté la séparation de jour et de nuit pour les détenus avant jugement.

Ajoutons qu’aucun autre régime n’est moralement possible dans la détention des inculpés. L’organisation du travail en commun exige que l’emprisonnement ait un terme certain, et qu’il soit de quelque durée ; on ne peut pas y soumettre des détenus qui ignorent eux-mêmes le temps qu’ils passeront dans la prison. Il en résulte que, partout où les prévenus et les accusés communiquent librement entre eux, ils demeurent nécessairement oisifs ; et quelle influence est plus corruptrice que celle de l’oisiveté parmi des hommes rassemblés ? Enfin, si la société pense avoir le droit de s’assurer de la personne des inculpés jusqu’au jour du jugement, c’est un devoir pour elle de veiller à ce que l’honnête homme, que le malheur des circonstances a jeté sous la main de la justice, ne subisse pas malgré lui le contact des malfaiteurs ; pour remplir ce devoir dans une situation où tous les détenus sont présumés innocens, il n’y a pas d’autre système de discipline que l’isolement.

Les établissemens de détention qui renferment les condamnés se divisent chez nous en trois classes. Les prisons départementales reçoivent les condamnés à moins d’un an d’emprisonnement. Les maisons centrales sont destinées aux détenus qui ont un emprisonnement d’un an et au-dessus à subir. Les bagnes sont réservés aux condamnés aux travaux forcés. Dans la pensée du législateur, pensée conforme au sentiment public, l’échelle pénale devait présenter plusieurs peines et non plusieurs degrés de la même peine ; on avait donc cherché à établir diverses espèces d’emprisonnement. La prison sans travail pour les condamnés à moins d’un an formait le premier degré ; la prison avec travail marquait le second ; le troisième était le travail qui exige l’emploi d’une grande force musculaire, le travail pénible et dans les fers. La pratique a un peu renversé cette gradation. Les maisons centrales en effet, depuis les règlemens qui suppriment la cantine et qui prescrivent le travail du soir, ont atteint le maximum de sévérité que comporte notre système pénal ; les bagnes au contraire, par le relâchement des habitudes laborieuses, sont les établissemens où les condamnés jouissent de la plus grande liberté. Aussi les détenus des maisons centrales soupirent-ils après le régime du bagne et nous pourrions en citer bon nombre qui ont commis des crimes dans le seul espoir de se faire condamner aux travaux forcés.

Qu’il soit nécessaire aujourd’hui de modifier assez profondément notre code pénal pour proportionner avec plus d’exactitude la sévé-