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damnés les plus dépravés auront encore une perspective d’amendement, si on leur ouvre, au moment de leur mise en liberté, des asiles où ils puissent gagner leur pain à la sueur de leur front sans être en butte aux séductions exercées par leurs pareils ni à la réprobation des honnêtes gens. Au sortir des meilleures prisons, la rechute au contraire est certaine, si vous replongez le libéré sans préparation et sans secours dans une société que soulèvent contre lui les témoignages encore récens de son passé. Aux États-Unis, le régime des maisons de détention est sévère et généralement efficace ; de plus, les condamnés, à leur libération, pouvant passer d’un état dans un autre ou s’établir sur la limite du désert, trouvent ainsi, pour rentrer dans le droit chemin, des facilités qui leur manquent ailleurs. Cependant telle est pour les libérés, en tout temps et en tous lieux, la nécessité d’un régime de transition entre la prison et la société, que la plupart retombent dans leurs premières fautes, et qu’au milieu d’un pays où les bras manquent toujours au travail, ils sont inhabiles à vivre autrement que des déprédations qu’ils commettent sur la communauté.

Un projet de loi qui réglerait la condition des libérés sans remonter jusqu’à celle des détenus serait donc insuffisant, mais du moins il serait logique ; un projet de loi qui modifie le régime des prisons sans prévoir ce que deviendront les condamnés au terme de leur détention n’est ni logique ni suffisant. Nous aurions le droit d’aller plus loin et de prétendre que le problème de l’emprisonnement est à beaucoup d’égards insoluble, tant que l’on n’a pas ouvert, en dehors des voies pénales, un exutoire quelconque à la partie dangereuse de la population. Pour citer un exemple, le gouvernement et la commission attachent une grande importance à prévenir toute communication entre les détenus d’une même prison. Cela se conçoit, si les condamnés, à l’expiration de leur peine, doivent être rejetés immédiatement dans la société ; mais quelle serait l’utilité de cette précaution dans le cas où ils auraient encore, avant de reprendre leur place comme membres de l’ordre social, à passer par un état intermédiaire destiné à les éprouver et à les réconcilier graduellement avec les habitudes normales de la vie ?

Ainsi, la préférence à donner à tel système pénitentiaire sur tel autre système dépend surtout de la combinaison que l’on aura adoptée pour l’établissement des libérés. Leur régime actuel est la mise en surveillance, régime vicieux et qui n’offre de sécurité ni pour les individus ni pour l’ordre public. La surveillance de la police, suivant les condamnés hors des prisons comme une flétrissure qui fait que l’hon-