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raient eue sous bien d’autres gouvernemens, le ministère n’avait pas à en parler. Il n’y a pour lui convenance d’initiative que lorsqu’il veut faire un acte, prendre une mesure, obtenir un résultat. Les chambres ne sont pas dans la même situation. La parole est moins réservée que l’action. D’ailleurs les chambres peuvent avoir à s’expliquer avec le gouvernement lui-même, à lui demander des renseignemens et à savoir de lui s’il est suffisamment préparé à tout évènement. Ce qui n’a été que ridicule à Londres pourrait devenir sérieux en se renouvelant ailleurs, sur de plus grandes proportions, avec d’autres circonstances. Certes, le gouvernement a raison de se confier sans crainte au vœu national et aux forces du pays, et il n’y aurait qu’hypocrisie à montrer de l’inquiétude pour l’avenir et la solidité de l’établissement de juillet. Néanmoins une administration sage et habile ne doit pas seulement prévenir les grands bouleversemens et réprimer les grands crimes ; elle doit aussi s’appliquer à prévenir ces désordres partiels, ces folles tentatives qui ne sont dangereuses que pour les hommes qu’on égare. Mieux vaut prévenir que réprimer, et une discussion solennelle dans les chambres sera pour tous un avertissement salutaire.

La question du droit de visite reparaîtra très probablement dans la discussion de l’adresse. Il est difficile que le ministère ne soit pas interpellé sur la question de savoir s’il a ou non ouvert des négociations avec le gouvernement anglais au sujet des traités de 1831 et 1833. Le débat dépendra de la réponse du ministère. Si M. le ministre des affaires étrangères ne pouvait faire qu’une réponse négative ou évasive, le débat s’animerait, et nous en serions fâchés pour la froideur qu’il pourrait mettre de nouveau dans les relations politiques des deux grands états constitutionnels. Le débat tomberait à l’instant même, si, comme nous aimons à le croire, M. le ministre pouvait apprendre à la chambre que des négociations sont ouvertes et se poursuivent dans le but d’arriver à une modification des traités.

Il est un point sur lequel les chambres insistent depuis quelques années et que plusieurs personnes paraissent vouloir abandonner cette fois, comme si une plus longue et inutile insistance n’était pas conforme à la dignité du pays. Nous voulons parler de la nationalité polonaise. Mais ne peut-on pas se demander s’il est de la dignité des chambres de renoncer à l’expression d’un vœu légitime par cela seul que jusqu’ici cette manifestation est restée sans effet apparent ? Au surplus, ce n’est pas dans ces termes, ce nous semble, que la question doit être posée aujourd’hui. Aujourd’hui il ne faut envisager la Pologne que comme une portion, des plus brillantes, il est vrai, de la race slave. Cette race, long-temps oubliée et qui s’ignorait elle-même se prépare évidemment au réveil. Vous la voyez se remuer peu à peu, lentement, se remuer cependant partout ; sans doute les Russes aussi sont des Slaves, mais ces réveils sont des réveils de nationalité et de liberté, et il est fort douteux qu’ils plaisent à un gouvernement absolu. C’est au fond la question slave qui s’agite en Serbie et dans toutes les provinces du Danube. Tôt