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REVUE MUSICALE.

Le Théâtre-Italien en est encore aux débuts de sa campagne, et déjà l’ensemble de la nouvelle troupe se montre tel, qu’il promet de faire oublier les plus beaux souvenirs du passé. À l’ancienne combinaison, qui fut illustre, nul ne le conteste, mais dont la retraite de Rubini avait rompu le nœud, succède aujourd’hui un corps d’armée chaleureux et brave, une autre légion d’élite : Ronconi, Fornasari, Salvi, M. de Candia (nous le rangeons parmi les nouveaux et pour cause), tous jeunes, tous vaillans, et dans cette généreuse période de la vie où le talent se dépense librement et sans compter avec lui-même, bien sûr que le travail et l’exercice, loin d’épuiser ses forces, les développent et les accroissent ; où les encouragemens d’une année nous préparent de l’émulation et des progrès pour l’autre. Si les cantatrices restent les mêmes que par le passé, c’est apparemment qu’il ne s’en est pas formé de plus dignes de se produire sur notre scène. D’ailleurs, qui songerait à souhaiter sérieusement l’abdication de la Grisi ? Où trouverait-on, à l’heure qu’il est, en Italie aussi bien qu’en Allemagne, une voix plus énergique à la fois et plus charmante, plus susceptible de se prêter aux conditions des deux genres en honneur à l’Opéra-Italien ? Où trouverait-on un geste plus noble, une plus belle cantatrice ? Certes, la Grisi a ses défauts, qui en doute ? Les dix années qui viennent de s’écouler ont passé sur elle comme sur tant d’autres ; mais, grace à la complexion de sa nature généreuse, cette expérience qui, au théâtre comme dans la vie, ne s’acquiert jamais qu’à nos dépens, lui a fourni de puissantes ressources, des moyens d’action qu’elle ignorait aux premiers jours, et, chez elle, si la prima donna a perdu quelque chose de son timbre enchanteur, on sent que la tragédienne a gagné en grandeur, en tenue, en aplomb, qualités qui font au théâtre les cantatrices qui durent, que la Pasta