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çais Gaultier et Iberville, comme ayant avec eux les rapports les plus confidentiels.

Les jacobites comptaient encore dans le ministère des adhérens presque déclarés, les ducs de Buckingham, d’Ormond et Bromley. L’état de leurs affaires paraissait si brillant, que les whigs ne dissimulaient pas leurs alarmes. « La plupart de nos country-gentlemen sont plutôt contre nous que pour nous, disait en 1713 un de leurs chefs, le général Stanhope, à l’ambassadeur de Hanovre ; si les choses durent ainsi quelque temps encore, l’électeur n’aura pas la couronne à moins qu’il ne vienne avec une armée. » Les choses firent pis que durer ainsi ; l’ascendant des jacobites alla toujours s’assurant davantage, et le ministère venait de faire passer dans le parlement, à une majorité considérable, une loi réactionnaire contre les dissidens, qui devait briser entre les mains des whigs un de leurs plus puissans instrumens ; il venait, depuis quelques jours, de se modifier sous l’influence de Bolingbroke dans le sens le plus favorable aux desseins des jacobites, lorsque la reine Anne mourut. Devant cet évènement soudain, il arriva ce qui doit toujours arriver en pareille circonstance : cette force de cœur qui fait prendre les déterminations décisives et promptes manqua à ceux qui conspiraient contre le génie et l’avenir de leur patrie ; elle passa toute du côté des whigs, qui, par la vigueur de leurs mesures, assurèrent la succession hanovrienne. « Jamais peut-être, dit un historien anglais, les calculs les plus raisonnables des hommes de jugement et de réflexion ne furent ni plus profondément ni plus heureusement trompés qu’à la mort de la reine Anne. En voyant l’Angleterre déchirée par les partis, des orages prêts à éclater en Irlande et en Écosse, si l’on songe que toutes les puissances catholiques, par esprit religieux, et plusieurs états protestans, par politique, devaient regarder de mauvais œil la succession hanovrienne, que la France, l’Espagne et l’Italie étaient aussi favorables au prétendant qu’elles l’osaient, que l’empereur, jaloux de l’électeur, ne désirait nullement le voir sur le trône britannique, que les prétentions de ce prince ne devaient être soutenues que par la Hollande épuisée et la Prusse naissante ; si l’on considère d’ailleurs le génie de Bolingbroke et son ascendant sur la reine, ne devait-on pas prévoir, à la mort de celle-ci, une période de luttes violentes au terme desquelles le triomphe paraissait incertain ? Cependant les prudentes mesures du conseil privé prévinrent le conflit attendu, et il n’est pas d’héritier naturel qui, avec le titre le plus incontestable et dans les époques les plus loyales, ait jamais succédé à son