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et de l’hypocrisie ; » mais nous pouvons dire qu’à coup sûr ce n’est pas la conspiration de la force.

Les hommes de quelque valeur qui entrent dans la vie politique peuvent-ils s’engager dans un parti semblable ? Vous souvenez-vous, monsieur, des appels qu’il y a dix ans, le parti légitimiste adressait à la jeunesse. « L’avenir, disaient-ils, est à la jeune France. » Il serait cruel de leur demander ce qu’ils ont fait de leur jeune France ; en effet, rien ne constate mieux le triomphe permanent des intérêts qui ont prévalu en 1830 que l’attitude des jeunes hommes qui se sont produits depuis cette époque, rien n’est mieux fait pour décourager les partis qui sont en dehors des limites constitutionnelles que la sagacité, que le bon sens, que l’amour de l’ordre, que le patriotisme éclairé, dont les jeunes hommes de cette génération ont fait preuve. Aussi, vous ne voyez au service des vieux partis extrêmes que des hommes vieillis, des hommes qui ont pris position avant 1830 ou au milieu des incertitudes des premières années de l’ordre de choses actuel. C’est d’ailleurs une conséquence de la situation de ces partis qui se sont relégués dans l’impossible, qui vivent dans un passé ou dans un avenir également placés hors de leur atteinte, de se désintéresser du présent, et de repousser nécessairement ainsi tous les talens pratiques qui veulent précisément agir sur le présent, toutes les ambitions légitimes dont la lutte féconde est un des premiers intérêts du pays, en un mot tous les patriotismes intelligens qui comprennent qu’il ne saurait y avoir de chômage, d’interrègne dans les affaires, dans la vie d’un grand peuple, et que le meilleur moyen de le servir n’est pas de se retirer dans sa tente. Cette conséquence, personne ne l’a plus durement subie que les légitimistes. Voyez-les à la chambre : si M. Berryer, dont l’éloquence ne se déploie jamais d’ailleurs que dans des occasions qui ne le distinguent en rien des autres orateurs de l’opposition, si M. Berryer avait été assez heureux pour ne pas entrer à la chambre sous le funeste patronage de M. de Polignac, n’est-il pas probable que les légitimistes seraient réduits, aujourd’hui, à la capacité diplomatique de M. de Valmy et au talent de parole de M. Béchard ? Les légitimistes ont de bonnes raisons pour parler avec mépris du ralliement ; pourquoi ne rallient-ils pas, eux ? On demandait, il y a plusieurs années, s’il y avait des carlistes. L’invective exagérait ici le doute ; mais on peut demander s’il s’en fait. Des hommes d’intelligence et de patriotisme ont quitté ce parti ; ce parti a-t-il réparé une seule perte ? Les légitimistes allèguent-ils l’influence que donne le pouvoir ? Mais durant la restauration, le parti constitutionnel