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LE PARTI LÉGITIMISTE ET LE JACOBITISME.

de M. le duc de Fitz-James et de la noblesse française. La question d’ordre public est une question de police. Le gouvernement est meilleur juge que nous de ce qu’il y a d’inquiétant pour l’ordre dans des démarches semblables à celles que vient d’accomplir le parti légitimiste. La question de convenance, c’est aux assemblées qui représentent le pays, et qui sont intéressées les premières à faire respecter dans leur sein les institutions dont elles émanent, qu’il appartient de l’apprécier. Sans y être excitées par aucun sentiment de colère ou de crainte, ces assemblées pourront faire justice par le blâme de ceux de leurs membres qui ont signalé leur mépris contre les institutions : peut-être le doivent-elles, quelque peu d’importance qu’aient par eux-mêmes les individus qui se sont rendus coupables de cette témérité car il n’y a pas d’outrage insignifiant contre les institutions. Mais une pareille mesure ne serait qu’un acte de justice constitutionnelle ; elle ne déciderait rien sur la portée de la manifestation légitimiste, comme acte politique d’un parti.

Je dis acte politique : ce mot vous indique également que je ne veux pas mettre en cause un sentiment qui touche à une vertu que j’honore, la fidélité des affections. Qu’il y ait en France quelques familles liées par ces chaînes de dévouement, de reconnaissance, façonnées par le devoir et l’honneur, à celle qu’une triple épreuve a montrée incapable de régir les destinées de la France, quel cœur pourrait refuser de le comprendre ? Que ces familles tiennent à donner des témoignages de respectueuse sympathie à une grande infortune qui, bien que méritée, est digne encore d’égards, et envers laquelle les liens politiques rompus n’ont fait que resserrer davantage les obligations privées ; personne, monsieur, dans un pays de générosité et d’honneur comme le nôtre n’y trouvera jamais à reprendre. Aussi, les visites solitaires aux ruines politiques de Kirschberg et de Goritz n’ont-elles jamais irrité la conscience publique ni arraché une parole d’indignation ou de mépris aux partis hostiles. Le pèlerinage de Belgrave-Square sort de l’enceinte fermée et respectée des démarches privées ; c’est un mouvement de guerre, c’est un acte politique, et on peut le juger pour ce qu’il veut être sans blesser ces délicatesses morales que l’on se ferait surtout un scrupule d’offenser à l’égard du malheur. Or, je me demande, à ce point de vue, quel est le résultat que le parti légitimiste s’est proposé. Je le sais, vous pouvez croire en apercevoir un tous les jours : vous voyez attachée au retour de Londres l’aimable émotion des succès que la vanité assaisonne. Ainsi, quel piquant butin de causerie on en a rapporté pour l’inauguration de