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ans plus tard pour un public désintéressé, M. Bazin a dû nécessairement se montrer moins brutal que Jean de Coligny et respecter les scrupules de la phrase ; mais, pour être d’une touche plus élégante et plus polie, son esquisse n’en est pas moins précieuse sous le double rapport de la ressemblance et de la vivacité.

Il serait hors de propos de passer en revue avec M. Bazin une foule de personnages d’une valeur médiocre, tels que le duc d’Orléans, le prince de Conti, le duc de Beaufort, ou tous autres appelés par le hasard de la naissance à jouer un rôle dans les troubles de cette période, et n’ayant d’autre titre aux investigations de la critique que la splendeur héréditaire de leurs noms. Rien n’apparaît en eux de ce qui constitue les caractères politiques, et l’histoire leur doit à peine une épithète. Mais la liste des individus dignes d’une mention particulière n’est pas épuisée lorsqu’on a nommé la reine, Mazarin, le coadjuteur, le prince de Condé, et si ceux-ci tiennent le premier rang dans la mêlée, ils ne sauraient en absorber tout l’intérêt à leur profit. Derrière eux, on aperçoit des profils moins connus et par cela même plus curieux. Sans trop s’écarter de la pente régulière et méthodique de son sujet M. Bazin aurait pu s’arrêter un instant sur quelques personnages dignes d’attention. Au sein de la magistrature surtout, M. Bazin aurait rencontré, en dehors de cet ensemble parlementaire qu’il nous a décrit avec tant de finesse, plus d’une tête caractéristique. C’est là que cet amour du détail, qui chez lui dégénère quelquefois en excès, eût pu, dans une certaine mesure, s’appliquer utilement.

En résumé, l’Histoire de France sous le ministère du cardinal Mazarin est l’œuvre d’un narrateur élégant et consciencieux, mais trop disposé à tout amoindrir. Son point de départ était le dédain ; il a dû cheminer à l’aide de la négation perpétuelle et aboutir à la certitude du néant. Dominé par les exigences d’une situation tout autre, M. de Sainte-Aulaire, nous l’avons dit, était arrivé, avant M. Bazin, à une conclusion directement contraire. Entre l’éloge intéressé et le blâme absolu, où est la vérité ? La fronde, exaltée outre mesure par un homme de parti, a été foulée aux pieds par un historien sceptique. Que faut-il penser d’elle ? Fut-elle, en effet, une généreuse aspiration vers les idées d’affranchissement politique et de garanties constitutionnelles, ou une tentative sans portée ? Est-ce un bien ou un mal qu’elle n’ait pas eu d’avenir ? À nos yeux, il est évident que MM. de Sainte-Aulaire et Bazin se sont égarés tous deux dans la voie de l’appréciation, et que leur jugement ne saurait résister à l’analyse. La fronde n’avait eu, au début, rien de véritablement sérieux ; elle n’était ni l’œuvre d’un réformateur hardi, comme le mouvement démocratique provoqué par Marcel au XIVe siècle, ni la manifestation d’un sentiment populaire, comme la sainte ligue. Elle eût pu être facilement comprimée dès le premier jour, elle n’avait grandi que par hasard et n’était devenue un fait grave que par surprise ; elle n’était que la conséquence naturelle de la faiblesse d’un gouvernement tombé des mains du ministre le plus impérieux et le plus résolu qui se soit jamais assis sur les