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Suède, Christine, le fantasque duc de Lorraine, et, chose bizarre, le fils de l’infortuné Charles Ier figuraient au nombre des médiateurs bénévoles, sans compter les agens officieux de l’intérieur. Qu’il y a loin de cette situation au spectacle qu’offrira la France de Louis XIV, quelques années plus tard !

Ces belles promesses de l’avenir, M. Bazin n’a fait que les indiquer à la fin de son livre. La conclusion dernière de la fronde, c’est le grand ballet de l’Impatience dansé à la cour (22 et 26 février 1661), et dans lequel figurent le prince de Condé et le duc de Beaufort. Les principaux acteurs ont disparu à jamais ou se sont groupés en sujets désormais fidèles autour de la royauté victorieuse. Mais si Louis XIV, écoutant les avis modérés et concilians de son principal ministre, pardonna beaucoup autour de lui, il ne put oublier que les factieux de la régence avaient un moment compromis l’avenir de l’absolutisme royal avec leurs émotions populaires et leur libre parler, et sans rappeler la destinée si long-temps errante du cardinal de Retz, l’aventure de Balthazar de Fargues, transcrite comme pièce justificative par Lémontey, dans son Essai sur l’établissement monarchique de Louis XIV, prouve la ténacité des ressentimens du jeune monarque. Maintenant Mazarin, qui avait vu s’humilier devant lui le parlement dompté, pouvait mourir paisible et honoré. S’il n’avait pas réussi, malgré l’activité de ses négociations secrètes, que M. Bazin paraît avoir négligées, à placer la couronne impériale sur la tête de son pupille, son œuvre historique n’en était pas moins accomplie. Il suffit, pour sa gloire, de citer la paix de Westphalie, qui rendit la France prépondérante en Allemagne ; la ligue du Rhin, qui avait pour but de lui donner les Pays-Bas, en interceptant le passage aux troupes espagnoles ; enfin le traité des Pyrénées, qui recula ses frontières au nord. On le sait, lorsque le cardinal eut rendu le dernier souffle (9 mars 1661), le jeune roi réunit son conseil et dit d’une voix ferme : « Messieurs, je vous ai fait assembler pour vous dire que jusqu’à présent j’ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par feu M. le cardinal, mais que, dorénavant, j’entends les gouverner moi-même ; vous m’aiderez de vos conseils quand je vous les demanderai. » Il y avait alors, ajoute en terminant M. Bazin, plus d’un demi-siècle que le Louvre n’avait entendu l’équivalent de ces royales paroles Cette vigoureuse allocution, qui couronne l’œuvre de l’historien, a dans sa mâle brièveté quelque chose de fort éloquent et de singulièrement expressif, en ce qu’elle donne une juste idée des prétentions autocratiques du monarque et fait pressentir ce que sera bientôt la volonté énergique et persévérante de Louis XIV ; mais la formule du despotisme royal ainsi conçue n’a, comme résumé de la situation générale, qu’une valeur incomplète, et ne dégage nullement les élémens de la comparaison du présent avec le passé. Il eût fallu, ce nous semble, jeter un coup d’œil rétrospectif sur l’état dans lequel Mazarin, au début de son administration, avait trouvé la France, énumérer de haut et grouper en faisceau les causes sociales, politiques et morales des progrès immenses qu’avait réalisés le pouvoir, présenter un tableau large, dessiné à grands traits, des circonstances au milieu desquelles s’éteignait le prélat italien.