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DU MOUVEMEMENT CATHOLIQUE.

« car en même temps qu’elle met une rose dans ses cheveux pour relever aux yeux de celui qu’elle aime l’éclat de son teint, elle met une vertu dans son cœur. » Jusque-là cependant, nous naviguons sur le fleuve de Tendre, et c’est tout au plus péché véniel ; mais n’est-ce pas, je le demande, une véritable profanation que d’assimiler la dualité intime des sexes à la trinité divine, que de déclarer la femme une hostie terrestre qui fait communier l’homme avec tous ses frères, et de dire aux Madeleines échevelées, qui n’ont pas encore le repentir pour avoir droit au pardon : « Beaux christs d’amour, femmes adultères, vous qui bramez dans le bagne conjugal, espérez » ?

Nous voilà donc ramenés aux hérésies galantes du moyen-âge, aux dulcinistes, et presque aux dormant-ensemble. Auprès des hérétiques, nous trouvons maintenant les prophètes et les thaumaturges. Comme les poètes, les néo-catholiques ont la prétention de sauver le monde et de voir dans les temps qui ne sont pas encore. Les nations s’égarent ; ils s’agenouillent sur le parvis du temple pour leur montrer la route ; les uns sont tristes, jettent de la cendre sur leurs cheveux, se désespèrent et maudissent ; les autres espèrent et chantent le cantique de l’avenir, mais tous sont également inspirés, car ils ont entendu en eux des voix intérieures. « Le jour de la justice approche, disent les prophètes qui pleurent ; les signes précurseurs de l’agonie du monde ont éclaté, et déjà les politiques, les rédacteurs de l’ancien Globe ont disparu comme Balthasar à Babylone dans un festin. — Hommes, nos frères, réjouissez-vous, disent à leur tour les prophètes qui chantent, le monde se transfigure, la société s’organise par le verbe social, et le temps est arrivé où tous les peuples vont célébrer la messe à Sainte-Sophie de Constantinople. » Dans les prophéties, comme partout, on le voit, c’est encore le chaos ; les jésuites de Lyon, dans leurs petits livres, et M. de Genoude, dans ses préfaces, annoncent l’avénement de l’antéchrist ; les humanitaires mystiques annoncent le règne de Dieu ; les fouriéristes christianisés, la réalisation de la théorie sociétaire, dont ils ont découvert le prochain triomphe dans l’Apocalypse ; M. Stoffels prédit la résurrection morale, et M. Madrolle la dégénération. Faut-il pleurer avec ceux qui pleurent, espérer avec ceux qui espèrent ? Marchons-nous vers le jour ou vers la nuit ?

Ici on a parodié Jérémie, Ezéchiel, l’Apocalypse. On va maintenant parodier le Christ, et le néo-catholicisme, pour témoigner de sa foi, affichera l’orgueil de la crédulité ; il outragera le bon sens public en ressuscitant les jongleries de Saint-Médard et des convulsionnaires. La restauration, en fait de prodiges, n’avait que le labarum de Migné et les neuvaines du prince de Hohenlohe. Depuis la révolution de juillet, le ciel s’est montré moins avare, et nous sommes riches aujourd’hui en miracles indigènes et en miracles exotiques. En France, nous avons auprès de Draguignan Mlle Miollis, la stygmatisée, dont les pieds et les mains sont percés de blessures pareilles à celles qui ont déchiré le Christ. Nous avons la sainte robe d’Argenteuil ; les médailles immaculées, qui ont été apportées du ciel, en 1830, à une jeune