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DU MOUVEMEMENT CATHOLIQUE.

de la méthode psychologique, qui a produit, suivant lui, un rationalisme hideux, qui se dessèche, comme Narcisse, dans sa propre contemplation, et donne naissance à tous les crimes par le principe de la souveraineté populaire. Cela posé, et sans plus s’inquiéter de la méthode, M. Bautain essaie de démontrer comment la psychologie expérimentale peut expliquer les songes, les visions et les effets attribués au magnétisme ; il définit ensuite l’esprit de la nature, l’esprit animal, l’esprit végétal, l’esprit minéral et l’esprit du monde, qui a sous ses ordres des espèces de grooms qui mettent les régions supérieures en rapport avec la terre au moyen des rayons solaires, de la pluie et de la rosée. Toutes ces belles théories ne sont rien moins, à ce que dit M. Bautain, que la parole chrétienne scientifiquement expliquée ; mais expliquer scientifiquement des dogmes révélés, n’est-ce pas soumettre le mystère au contrôle de la raison ? Quand nous ne sommes plus dans le rêve, nous sommes dans la contradiction. À l’appui de ses systèmes, M. Bautain invoque la révélation ou la Bible : qu’il n’invoque que lui-même, car ce qu’il a vu, il l’a vu dans son esprit, dans son extrême dedans, et non dans les livres saints, qui ne sont pas les complices de ses excentricités. Et comme ses doctrines ne sont qu’un non-sens perpétuel, tandis que par la négation de la raison il donne d’une part le scepticisme pour fondement à la foi, de l’autre il exploite son opinion sceptique au profit du mysticisme ; il admet une faculté supérieure à la raison, qui nous met en communication avec Dieu et les purs esprits ; il en arrive à la gnose, et recule de quinze siècles dans les routes de l’esprit humain. Par sa plastique, qui fait l’office de mère, par ses esprits inférieurs, supérieurs, intermédiaires, il nous a rendu les éons mâles et femelles du gnosticisme, c’est-à-dire de la plus folle des hérésies, de celle qu’un écrivain ecclésiastique appelait l’aposthume où sont venues affluer toutes les impuretés de l’idolâtrie orientale.

Lorsqu’il s’adresse aux philosophes, M. Bautain ne parle que d’autorité ; lorsqu’il s’adresse aux théologiens, il ne parle que de progrès et de réforme : on dirait que la gloire orageuse de Luther le tente, et qu’il veut aussi ouvrir sa diète de Worms dans les salles d’études des séminaires. La méthode qui a formé Bossuet et Fénelon ne lui suffit pas ; il veut en introduire une nouvelle, toute mystique, composée d’un peu de sciences exactes, d’un peu de physiologie, d’anatomie et de médecine, et de beaucoup de littérature, le tout mêlé et trituré, et formant un mélange dont le parfait modèle est une thèse médico-philosophique, soutenue par M. Bautain devant la Faculté de médecine de Stasbourg pour l’obtention du diplôme de docteur. Cette thèse a pour objet de déterminer l’idée de la vie. Qu’est-ce que la vie ? « C’est le principe actif de tout ce qui existe. » Comment se développe-t-elle ? « Par la fécondation ou intra-susception qui a lieu sous l’action du rayon vivificateur, au moment où le passif et l’actif, le subjectif et l’objectif, s’unissent. » M. Bautain prend ensuite l’homme ab ovo. Nous nous voyons à l’état de point salin ou de cristallisation dans la forme pure, et