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quels les auteurs ou éditeurs sollicitent une approbation[1], contre cette foi indisciplinée, inquiète, aventureuse, qui n’est souvent qu’une révolte de la vanité, un soulèvement de l’ambition.

Mais après la censure ecclésiastique il reste encore une large part à la critique profane, qui a pour mission de défendre le bon sens et les institutions du pays. Le parti religieux ne se contente pas de prêcher le salut du monde ; il réclame la suprématie de la pensée, l’infaillibilité dans la science ; il veut régner dans l’enseignement et dans l’état. Avant d’accepter son autorité, il convient de vérifier ses titres. En étudiant quelques produits de ce mouvement intellectuel, nous aurons plus d’une fois l’occasion de nous rappeler ces mots d’un grand écrivain de notre temps, « qu’il faut par raison s’endurcir aux absurdités, car on aurait trop à souffrir dans ce monde, si l’on y portait la douloureuse susceptibilité du bon sens. »

Du reste, nous aurons de l’indulgence ; nous n’exagérerons pas ; la vérité est toujours assez triste, et, avant d’entrer dans le détail de notre tâche, nous commençons par déclarer que le catholicisme de l’église est ici tout-à-fait hors de question. Il ne s’agit pas pour nous de discuter dans ces pages la tradition ou la révélation ; nous ne sommes pas docteur en théologie, nous ne sommes pas non plus de l’école de d’Holbach, et nous savons d’ailleurs, fussions-nous sceptique, que le scepticisme n’est excusable qu’à la condition d’être respectueux ; car c’est toujours une faute de mettre en question la croyance d’un peuple, quand on n’a rien à lui donner en retour, de même que c’est un crime de détruire quand on est impuissant à édifier.

II. — les érudits, les apologistes, les historiens.

La critique sacrée, qui constitue dans le protestantisme une science importante, et qui a éveillé en Allemagne la curiosité de tant d’esprits sérieux, est en général peu cultivée en France. Parmi les membres du clergé, quelques hommes distingués par un vrai savoir, tels que MM. Glaire et Cœur, de la Faculté de théologie de Paris, rappellent encore la tradition des Calmet et des Sacy ; mais c’est là une exception. La plupart des écrivains religieux de notre temps n’ont fait que compromettre la gravité ou l’autorité des Écritures, les uns par des spéculations mercantiles, les autres par des commentaires qui rappellent souvent les plus bizarres rêveries du moyen-âge, quelques-uns même par des paradoxes politiques qui ne sont pas sans danger ; et telle est la faiblesse des travaux de l’exégèse française, que les protestans déclarent, avec un dédain superbe, qu’elle est trop au-dessous d’eux pour qu’ils lui fassent les honneurs de la discussion.

Parmi les traducteurs ou les commentateurs de la Bible, MM. les abbés Orsini, Clément et Genoude sont surtout cités et prônés. Quelle est donc la

  1. Paris, chez Adrien Leclerc, 1842, in-4o.