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quêtes et les idées des temps nouveaux, ce parti avait arraché la religion du sanctuaire pour la mêler imprudemment à nos luttes politiques et, quand arriva le jour du danger, il fut impuissant à soutenir le pouvoir qu’il avait précipité vers sa chute. Depuis 1830, il est resté fidèle à ses rancunes, à ses espérances ; il murmure parce qu’il ne règne pas, et il intrigue plus sourdement encore.

La révolution de juillet ? s’il avait fallu le croire, allait ramener quatre-vingt-treize. C’était, non pas le triomphe d’un principe politique modéré, mais le réveil de la philosophie du XVIIIe siècle, le triomphe de l’impiété. En vain Rome reconnaît dès les premiers jours le gouvernement nouveau ; la soumission au saint-siége, cette fois, n’est plus d’accord avec les sympathies politiques ; on se sépare de la cour de Rome ; on ouvre la guerre contre le pouvoir en refusant la prière ou le serment. Les mêmes hommes qui déclaraient sacriléges les prières prononcées par le clergé de Saint-Germain sur les tombes du Louvre essayèrent encore d’agiter la Vendée catholique, en lui montrant pour drapeau l’étendard pacifique de la croix. D’un autre côté, le dogme de la souveraineté populaire avait fait de nouveau irruption dans les idées, et pénétré, au sein de l’église elle-même, en quelques esprits ardens. Il y eut alors, dans le clergé français, comme un schisme politique qui, séparé en deux camps, protesta, ici au nom du passé, là au nom de l’avenir. C’étaient d’une part, dans l’ancien clergé, quelques hommes qui n’écoutent qu’un sentiment exclusif, le regret d’un régime qui n’est plus, thaumaturges impuissans qui voudraient ressusciter Lazare, les entêtés, comme a dit Grégoire XVI à propos de M. de Quélen ; c’étaient, dans le jeune clergé qui date de la restauration, quelques néophytes formés à l’école de De Maistre mitigé par les doctrines qu’avait alors M. de Lamennais. Humanitaires romantiques qui aspiraient au rôle de réformateurs sociaux, ils ont rêvé une sorte de république universelle sous la présidence du pape ; dans la philosophie, faute d’avoir distingué les vérités naturelles des vérités révélées, ils sont arrivés à nier la raison ; dans l’histoire, ils ont réhabilité l’inquisition et les pieuses impiétés de la ligue, tout en se portant les défenseurs de la révolution française ; et pour avoir un prétexte de se poser en apôtres, et de réclamer au nom du salut de tous la dictature souveraine, ils ont calomnié les institutions et les hommes de leur temps. En se mêlant ainsi à tous les bruits du monde, en faisant tour à tour une arme de parti de la chaire, du mandement, du journalisme, ils ont essayé de constituer un état dans l’état, et en dernière analyse ils n’ont constitué dans le catholicisme qu’une sorte d’hérésie frelatée de politique.

Les théologiens s’étaient faits mondains ; les mondains, à leur tour, se firent théologiens ; depuis long-temps déjà, la littérature avait préparé cette illumination de la grace. MM. de Châteaubriand et Lamartine avaient prêté à la foi des vieux âges l’autorité de la raison et du génie moderne, et jeté, comme on l’a dit, sur l’ossuaire du passé la magnifique tenture de leur parole. Le bruit s’était fait autour de l’œuvre de ces hommes d’élite, qui, sans avoir la