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REVUE. — CHRONIQUE.

accueillie comme un bienfait, et la gravité de la discussion fera oublier le débat un peu trop carnavalesque de la loi sur la chasse.

Le projet de M. le ministre des travaux publics sur les chemins de fer paraît accueilli avec faveur. Jamais retard n’aura été plus favorable aux intérêts du pays. On n’évalue pas à moins de trois cents millions, pour le chemin du nord, la différence entre le taux présumé des bénéfices garantis aux compagnies par le projet actuel et celui qui leur était assuré par le projet si heureusement ajourné à la session dernière. Des procédés nouveaux de traction, une économie considérable de combustible, ont réduit de près de cinquante pour cent les frais généraux d’exploitation. L’état bénéficie aujourd’hui de cette expérience, et il est fort douteux que le dernier mot ait été dit. La commission examinera s’il n’est pas possible de rabattre quelque chose sur ces vingt-huit années de jouissance, qui représentent une aliénation de trente-deux ans, puisque le délai ne courra qu’à dater de la livraison de la ligne dans toute la longueur de son parcours. Elle recherchera sans doute avec grand soin s’il n’y aurait pas possibilité d’abréger ce terme, qui embrasse toute une génération ; elle devra se demander surtout s’il n’y aurait pas un grand avantage politique à sacrifier, pour atteindre ce but de haute prévoyance, la participation éventuelle de l’état dans les bénéfices excédant six pour cent, avec deux pour cent d’amortissement du capital. Faire participer l’état aux bénéfices des compagnies est un résultat utile sans doute, mais fort secondaire. Diminuer au contraire la durée des concessions est un devoir de première importance, dont l’accomplissement peut seul rendre à l’action gouvernementale toute sa liberté. C’est dans ce sens que nous aimerions à voir se développer les efforts de la commission et de la chambre. Sacrifier les dividendes éventuels pour des avantages assurés, se mettre le plus promptement possible en mesure d’abaisser les tarifs et de développer la circulation générale, c’est là ce que semblent commander à la fois les intérêts privés et les intérêts publics.

Pendant que la chambre élective délibérera sur ces graves questions, la chambre inamovible entamera une matière plus sérieuse et plus délicate encore. L’imprudente publicité donnée aux manifestations épiscopales est venue ajouter aux difficultés de cette tâche. Le noble rapporteur auquel la commission a remis le soin de présenter à la chambre des pairs le résultat de sa longue élaboration est plus en mesure que personne de parler avec autorité dans une telle matière. L’intervention de M. le duc de Broglie sera acceptée par les hommes religieux non moins que par les membres du corps universitaire, à la tête duquel la révolution de 1830 l’avait placé. Il ne paraît pas, du reste, que la commission ait introduit dans le projet de M. le ministre de l’instruction publique de très notables changemens. On dit que, d’une part, elle supprime le privilége concédé au clergé en faveur de la moitié des élèves de ses petits séminaires, et que, de l’autre, elle a modifié d’une manière grave la composition du jury d’examen. Un assez grand nombre de prescriptions secondaires auraient aussi disparu, et les droits de l’autorité municipale dans ses transactions avec les institutions libres au-