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REVUE. — CHRONIQUE.

et au town-hall de Birmingham, il a salué la prochaine victoire de cette bourgeoisie, au triomphe de laquelle il a su rattacher la libération de sa patrie.

En présence de cette révolution intérieure, imminente, le parti aristocratique, dans ses deux grandes divisions, ne commettra jamais la faute de s’exposer à une collision avec la France. Les éloges décernés en chœur aux hommes d’état qui nous gouvernent par les orateurs du whiggisme et du torysme en sont la preuve la plus convaincante. Au risque de contrarier quelques amours-propres, il nous sera permis de dire qu’on ne loue ainsi que les gens dont on a grandement besoin. Lord Palmerston lui-même a subi l’influence de la position créée à toute l’aristocratie anglaise par les périls qui la menacent. Sa motion sur les négociations relatives au droit de visite paraît indéfiniment ajournée. Sur un pareil sujet, il ne veut pas créer d’embarras à son gouvernement, il veut bien moins encore en susciter au nôtre. Lord Palmerston et lord John Russell entrevoient dans un avenir plus prochain qu’ils ne l’avaient espéré la possibilité de revenir aux affaires. Ils subissent dès-lors la loi générale qui impose désormais, comme l’un de ses premiers devoirs, à tout ministre d’Angleterre doué de sens politique l’obligation de ménager l’amitié de la France.

Dans une telle situation, à qui appartient-il de faire des concessions ? à qui appartient-il d’en espérer ? Sans abuser de nos avantages, sans rien réclamer au-delà des limites de l’équité et du droit, ne sommes-nous pas en mesure d’appliquer l’alliance anglaise d’une manière plus fructueuse qu’elle ne l’a été depuis trois ans ? Pouvions-nous redouter, en ménageant l’amour-propre au moins de notre marine dans l’affaire de Taïti, de faire naître à Londres des embarras de quelque portée ? Une telle appréhension n’est pas sérieuse ; aucun homme d’état n’a pu la concevoir, quoiqu’on n’ait pas craint d’essayer sur l’imagination d’autrui un fantôme qu’on n’appréhendait pas soi-même. Si le cabinet n’avait pas si catégoriquement désavoué l’amiral Dupetit-Thouars, on eût sans doute été plus sobre d’éloges dans les deux chambres du parlement britannique pour les ministres du roi des Français : les rapports personnels des deux cours et des deux cabinets fussent devenus pour un temps moins étroits et moins intimes, il eût fallu renoncer pendant quelques semaines au bonheur de savourer aux yeux de l’Europe les platoniques douceurs de la cordiale entente ; mais là se serait arrêté l’effet d’une détermination nationale qui aurait concilié la clémence avec le soin de notre propre dignité. C’est au bon sens public de décider si l’irritation universelle causée en France par une détermination inattendue est compensée par l’approbation non moins universelle qui l’a accueillie en Angleterre ; c’est à lui de résoudre la question de savoir de quel côté de la Manche il importe que le gouvernement français soit populaire.

Ce problème pèse sur l’esprit de la chambre. Il inquiète sa conscience, il compromet de plus en plus son avenir. Nul ne saurait pressentir en effet ce que seront les futures élections générales, lorsque les partis pourront exploiter de tels griefs, ou, si l’on veut, de tels préjugés ; nul ne pourrait