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tannerie, qui a huit étages d’élévation et qui expose à l’air la puanteur des peaux qu’elle apprête, projette son ombre sur ce labyrinthe d’habitations délabrées ; on l’appelle Gibraltar. En suivant le cours de la rivière, au-delà du pont, on rencontre des tanneries, des fabriques de colle et des triperies ; le cimetière de la paroisse est situé d’un côté du torrent, et de l’autre une succession de cours aussi étranges d’aspect que malsaines. On n’y pénètre que par des passages étroits et couverts qui débouchent dans la rue Long-Millgate, d’où il faut descendre par des gradins de pierre jusqu’au bord de l’eau. Dans la dernière de ces cours (Allen’s court), on se trouve entouré complètement d’un côté par le roc qui s’élève droit comme un mur, des deux autres par des maison à trois étages, du quatrième côté par l’escarpement le long duquel on est descendu, et dont le sommet est surchargé encore de murs ou de maisons. Ces maisons étaient récemment habitées par des tisserands, et chacune renfermait plusieurs familles. »

Huit ans plus tard, cet état de choses n’avait pas changé. M. Howard[1] le trouvait même plus triste ; en effet, dans l’espace ouvert qui forme le centre de la Petite-Irlande, les habitans avaient construit plusieurs étables à porcs, qui ajoutaient, s’il se peut, à l’insalubrité du lieu. Sans doute, l’on a fait d’assez grands efforts et d’assez grandes dépenses pour assainir la ville : bien des rues ont été pavées, bien des égouts construits, et le service de propreté est aujourd’hui plus régulier ; mais, en dépit de ces progrès partiels, le nombre des rues à paver de celles qui n’ont pas d’égouts et dans lesquelles le boueur n’entre jamais, est encore considérable. « À mesure que les quartiers du centre, dit encore M. Howard, ont été assainis, d’autres quartiers ont surgi dans les faubourgs, avec des rues non pavées et sans issue pour les eaux, au milieu desquelles on jette sans cérémonie les immondices pour y exhaler leurs putrides émanations, en sorte que ces rues rivaliseront bientôt avec les cloaques qui existaient tout récemment dans l’intérieur. » Le même praticien rappelle à ce propos la description que sir Walter Scott a donnée du village de Tully-Veolan, balayé uniquement par les chiens et par les cochons, qui étaient utiles à leur manière, en dévorant les débris amassés pêle-mêle devant les portes des maisons.

Manchester n’est, en effet, selon l’expression d’un autre médecin, M. Roberton, qu’un village monstrueux, construit sans aucune espèce de plan. Chacun des huit cantons qui forment le bourg a sa loi de

  1. Report on sanitary condition.