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MANCHESTER.

cageuse et sous les nuages de fumée que vomissent les ateliers, le travail y a quelque chose de mystérieux et de semblable à l’activité souterraine d’un volcan. Point de grandes lignes ni de hauteurs qui guident l’œil en l’aidant à mesurer ce vaste ensemble. La ville ne se distingue ni par ces contrastes qui caractérisaient les cités du moyen-âge, ni par cette régularité que l’on remarque dans les métropoles de récente formation. Toutes les maisons, toutes les rues se ressemblent ; mais c’est l’uniformité au sein de la confusion. En y regardant de près, on découvre pourtant un certain ordre. Manchester est situé au confluent d’une petite rivière, l’IrweIl grossie de l’Irk, et d’un ruisseau, le Medlock. L’Irwell sépare Manchester de son faubourg principal, de la vieille ville qui a donné son nom au district (hundred) de Salford ; sur la rive gauche du Medlock est une autre annexe de Manchester, Chorlton on Medlock, qui n’avait que 675 habitans en 1801 et qui en compte aujourd’hui 30,000. Les manufactures et les usines forment comme une enceinte autour de la ville et suivent le cours des eaux. On les voit dresser leurs sept étages le long de l’Irwell et sur le bord des canaux qui, pénétrant plus avant dans Manchester, y forment une ligne intérieure de navigation. Les eaux de l’Irk, eaux noires et puantes, servent aux tanneries et aux teintureries, celles du Medlock aux ateliers d’impression, aux fabriques de machines et aux fonderies. Les bords de l’Irwell, qui semblent avoir été le siége primitif de cette civilisation, en demeurent aujourd’hui le centre. Les édifices municipaux sont dispersés le long de son cours. En descendant de la colline où s’élève la maison des pauvres, on rencontre les bâtimens du collége, la vieille église (Old Church), la bourse, et de l’autre côté de la rivière le palais de justice ainsi que la prison. De Pendleton à la route de Londres, une grande rue brisée, qui traverse la ville de l’ouest à l’est, étale à ses deux extrémités les boutiques auxquelles les ouvriers s’approvisionnent, et au centre, dans Market-Street, dans Piccadilly, les magasins ouverts au luxe, les librairies, les ateliers des journaux. Le quartier aristocratique de Mosley-Street, qui coupe Market-Street à angle droit, réunit les comptoirs où les fabricans de Manchester et des environs se mettent en contact avec le mouvement des affaires. Dans l’angle des deux rues sont concentrés les dépôts de matières premières et de marchandises fabriquées. Les chemins de fer, comme étant les derniers venus, s’arrêtent aux points extérieurs de cette circonférence, ceux de Liverpool et de Bolton à l’ouest, ceux de Leeds, de Sheffield et de Birmingham à l’est.

Il résulte de ces combinaisons indifférentes en apparence une grande