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DE LA LITTÉRATURE POLITIQUE EN ALLEMAGNE.

« Qu’on me nomme empereur ! s’écrie la pythonisse. — Cela ne peut manquer d’arriver, répond le bourguemestre, et vous serez certainement élue à l’unanimité. » La plaisanterie, la verve bouffonne, comme on voit, vient sans cesse se mêler à ces vives divagations. Ce que j’ai cru comprendre de plus clair dans les prédications de Mme d’Arnim, c’est qu’elle veut une monarchie, mais une sorte de monarchie républicaine ; elle voudrait que le roi et le peuple ne fissent qu’un, que le roi fût le représentant véritable de la nation, que tous se sentissent en lui. C’est là, si je ne me trompe, le sens de ses paroles, quand elle appelle dans l’avenir ce roi libre esprit qui ne craint pas le libre esprit, et qu’elle lui donne une garde de sans-culottes et de vauriens. Quant aux intermédiaires entre le roi et le peuple, ministres, députés et autres, canaille, sotte espèce ! Sont-ils autre chose que des ânes monstrueux et de misérables gredins, ungeheure Esel und gemeine Schufte ? Tout cela n’est pas très nouveau, assurément ; ce qui est nouveau en Allemagne, c’est la hardiesse, le sans-façon, l’enthousiasme fantasque que Mme d’Arnim introduit dans ces discussions.

Mais à quoi bon vouloir trouver dans ce livre un système, une théorie controversable ? Bettina y parle de toutes choses et de quelques autres encore à propos de politique, elle disserte sur la métaphysique, et elle n’oublie pas la religion. Elle ne veut pas seulement reconstituer l’état et réformer la cité ; puisqu’elle a commencé, lui en coûte-t-il davantage de refaire le monde depuis le premier atôme ? La prophétesse publie une seconde édition de l’œuvre des six jours, revue, corrigée, perfectionnée. Il y a là un brave pasteur à qui les divagations de Bettina font perdre la tête. Il voudrait bien discuter avec elle, mais pour cela il faudrait la suivre. Il voudrait bien réfuter ses argumens, la ramener à des idées plus sages ; mais le moyen de sermonner Bettina, un esprit fantasque, un enfant colère et mutin, une flamme qui vole, s’éteint, reparaît, le démon de la poésie enfin sous ses apparitions les plus folles ? Tout à l’heure le bourguemestre résistait mieux : il était plus calme, plus grave, plus maître de lui ; mais ce bon pasteur m’inquiète en même temps qu’il me fait sourire. Bettina l’effraie, puis elle le flatte, elle le caresse, elle lui rappelle ses sermons. Oh ! les beaux sermons ! que vous étiez éloquent dimanche dernier ! Et, un instant après, elle refait elle-même ce sermon ; le trépied s’agite, il en sort de la flamme, de la fumée, et le pasteur, épouvanté, s’imagine que c’est le diable en personne. Quand elle s’écriait : Nommez-moi empereur, empereur d’Allemagne ! quand elle plaçait à Francfort, dans sa ville